Dans l’image de l’autre (et non pas la peau…)

La neurobiologie crie victoire !

Elle croit avoir inventé la poudre en démontrant le transitivisme (nos pensées, nos sensations, nos représentations, tout ça nous vient par l’autre. Autrement dit, ce que nous croyons percevoir de la réalité nous est étranger).

Preuve informatique à l’appui, les chercheurs de Stockolm ont mis au point une expérience qui permet de le démontrer. Lisez cet article (ci-dessous), il vous renseignera sur la question.

Mais…..

Depuis Merleau-Ponty et son étude sur les membres fantômes (Phénoménologie de la perception), depuis Wallon et ses expériences sur le transitivisme des enfants, depuis Lacan et son stade du miroir….

Il y a déjà tant d’années….

Les « psys » de « l’opinion éclairée » sont-ils vraiment surpris ?

Juste une remarque.

Les neurobiologistes confondent l’imaginaire et le réel. Avec un tel appareil, visuel essentiellement, nous sommes bien sûr plongé dans le monde de l’image. Il montre notre capacité à nous imaginer comme un autre.

Par contre, l’appareillage (et pour cause) fait l’impasse sur le réel. C’est à dire qu’il ne voit rien, il ne se voit pas lui même en tant que dispositif d’examen programmé, il ne voit pas non plus ce qu’il se passe quand manquent le programme, les mots et la pensée.

Donc, il est nécessaire de préciser le titre de cette expérience.

Ces sujets sont plongé dans l’image de l’autre et non pas dans sa peau.


Dans la peau d’un autre

Echange. A Stockholm, des neurobiologistes ont mis au point des expériences qui donnent l’illusion de sortir de son corps. Libération a joué les cobayes.

Par ANNE-FRANÇOISE HIVERT, Libération

 » Vivre dans la peau d’un autre. Sentir la caresse faite à un objet en plastique, sortir de son corps et le voir en face de soi… C’est possible, le temps d’une expérience, courte mais inoubliable : une expérience d’extracorporalité… rigoureusement scientifique. Conçue par l’équipe du jeune neurobiologiste Henrik Ehrsson de l’Institut Karolinska de Stockholm, elle marche à tous les coups, sans hallucinogène. J’en témoigne, je l’ai faite, à l’aimable invitation de l’équipe suédoise. Ses travaux, présentés en novembre devant les initiés de la Société américaine des neuroscienes,font désormais référence dans la recherche, effervescente, sur les fondements biologiques de la conscience (lire page suivante).

Caresse. «Notre projet, explique Valeria Petkova, jeune chercheuse dans l’équipe d’Ehrsson, est de décrypter les mécanismes neurobiologiques déterminant la perception du corps, élément fondamental de la conscience de soi.» Autrement dit, il s’agit de comprendre comment mon cerveau sait que ceci est «ma» peau, «mon» pied, «ma» tête. Pour révéler les bases de cette perception, les neurologues ont cherché ce qui pouvait la troubler. Ils ont donc créé des illusions de conscience corporelle…

Me voici donc, par une journée d’hiver suédois, promue journaliste cobaye et installée dans une pièce aux murs couverts d’épais rideaux bleus. Devant moi, un mannequin en plastique. Sur sa tête, deux petites caméras. Tournées vers le sol, elles sont reliées à «des lunettes de réalité virtuelle» que me tend Valeria Petkova. Je les chausse. Elle me demande de regarder mon ventre. Je vois ce que «voient» les caméras : les pieds du mannequin, au bout de deux longues jambes surmontées d’impeccables abdominaux nus. Troublant. Mais l’expérience ne fait que commencer.

Je ne dois plus bouger. La chercheuse touche mon ventre avec un crayon et fait le même geste, synchrone, avec un autre crayon, sur le ventre du mannequin. Au début, tout est normal. Je sens la caresse du crayon sur mon corps même si ce que je vois, c’est le mouvement du crayon sur le corps du mannequin.

Mais au bout d’une minute, à force de voir ce ventre de plastique être l’objet d’une caresse que je ressens, je suis prise d’une illusion étrange. Je me sens être dans le corps que je vois. Je suis passée dans le corps du mannequin…

«L’expérience fonctionne à chaque fois», relève Valeria Petkova. Au-delà de toute espérance : lorsque le crayon est remplacé par un couteau qui menace le ventre du mannequin et lui seul, les volontaires se sentent physiquement agressés : la chercheuse l’a vérifié en mesurant la conductance de leur peau, qui a révélé une subtile sudation.

Bras en caoutchouc. Valeria Petkova me propose à présent d’échanger mon corps avec le sien, le temps d’une poignée de main. Le dispositif est le même qu’avant, sauf que les caméras sont désormais fixées sur sa tête et tournées vers moi. Quand je chausse les lunettes de réalité virtuelle, c’est donc mon corps que je vois face à moi. «Maintenant, serrons-nous la main.» Je tends ma main à la chercheuse, elle me tend sa main. Mais c’est ma main que je vois tendue vers moi, c’est ma main que je serre… Je suis en face de moi ! Je suis elle. Comment expliquer ce phénomène ?

La sensation d’être hors de son corps est un trouble psychique bien documenté : nombreux sont les sujets victimes d’attaque cérébrale, de traumatisme crânien, d’épilepsie, qui ont raconté s’être vu flottant au-dessus de leur corps, ou s’être projeté dans celui d’un autre. La série d’expériences conduites dans les laboratoires de l’Institut Karolinska ne reproduit pas exactement ces sensations, mais «elles créent des situations qui permettent d’étudier la construction de la conscience du corps» , souligne Henrik Ehrsson, 36 ans, obsédé par cette question depuis l’époque où il était étudiant en médecine. «Je me demandais ce qui se passerait si j’enlevais mes yeux et si je les mettais sur mon ventre. Est-ce que je ressentirais la conscience de mon corps au niveau du ventre ?»

Les travaux du neurobiologiste Matthew Botvinick le fascinent. Ce chercheur de l’université de Princeton a publié en 1998 un article dans Nature, où il décrit «l’illusion de la main en caoutchouc». Un volontaire, dont le bras est dissimulé à la vue, est assis à une table sur laquelle repose un bras en caoutchouc. Le chercheur caresse simultanément la main du volontaire et celle du bras en caoutchouc. Au bout d’un temps, le sujet dit avoir la sensation que le faux bras lui appartient. Cette illusion, conclut alors Matthew Botvinick, «révèle une triple interaction entre la vision, le toucher et la proprioception», terme qui désigne la perception de la disposition des parties de son corps les unes par rapport aux autres.

«Survie». Quelques années plus tard, Henrik Ehrsson tente d’élargir l’illusion du bras en caoutchouc au corps entier. Il conçoit une expérience utilisant, idée de génie, la vision virtuelle. Publiée en août 2007 dans la revue Science, elle aura un immense écho dans la communauté scientifique. Le volontaire est assis sur une chaise et porte des lunettes de réalité virtuelle sur lesquelles sont retransmises les images captées par deux caméras
placées 2 mètres derrière lui, et filmant ce qu’il y a devant lui. Quand Henrik Ehrsson touche le buste du sujet avec une baguette et approche simultanément une autre baguette des caméras, le volontaire dit avoir la sensation de se retrouver assis 2 mètres en arrière… «Le cerveau utilise une multitude d’informations sensorielles pour localiser le plus rapidement possible son corps, relève Henrik Ehrsson. C’est une question de survie. Et dans cette affaire, la vision joue un rôle primordial.» «Il faut que ce que je vois corresponde à ce que je ressens», explique le chercheur qui avoue «avoir été surpris par la vitesse avec laquelle le cerveau s’habitue à son nouveau corps.»

Comment se construit cette appropriation ? C’est la question centrale que ces expériences vont permettre d’étudier. Avec l’appui de l’imagerie médicale, ces illusions devraient éclairer la façon dont le cerveau traduit les informations sensorielles en une perception globale de l’«être dans son corps».

Ces études pourraient avoir aussi un intérêt médical : apporter un soulagement aux personnes amputées. Récemment, Henrik Ehrsson a montré que des amputés d’une main répondaient également à l’expérience de la main en caoutchouc : si on touche l’extrémité de leur moignon, caché à leur vue, en même temps que la fausse main, bien visible, ils finissent par prendre cette dernière pour la leur. De là à imaginer une prothèse bionique animée par l’influx nerveux du patient et utilisant les circuits de cette illusion de conscience, il n’y a qu’un pas. De géant. Henrik Ehrsson y travaille « .