Dieu ? Un fake !

 

Pris dans un accès de crise existentielle Frank Underwood, le président des Etats-Unis d’Amérique (1), réquisitionne la cathédrale de Washington, ainsi que l’évêque qui s’y trouve, d’urgence, en pleine nuit. Après avoir posé des questions métaphysiques sur la fonction du président des US à l’évêque, il demande à se recueillir seul devant le Christ sur la croix. Le prêtre le laisse seul dans ce face à face.

Alors, ayant vérifié que personne ne l’observe, Frank crache sur le Christ en plâtre !

Puis, le Jésus en plâtre lui tombe sur la figure !

La scène vaut le détour ! Cela m’a procuré cinq bonnes minutes d’une rigolade salutaire…

Le comique étant bien sûr que, jamais, une icône ne peut vous répondre, encore moins quand vous l’insultez. Dieu ? Un fake !

Frank s’adresse à une statue en plâtre qui ne peut pas lui répondre. Le fait que cette statue tombe par terre, lui donne un vie incongrue, impossible, à laquelle Frank ne pouvait s’attendre.Il s’agit là d’une effigie dont la fonction est de marquer l’endroit d’une absence.

Mais, si cette représentation du Christ est inanimée pourquoi Frank a-t-il besoin de lui cracher dessus ?

Lacan l’explique dans Le transfert, l’obsessionnel a besoin de blasphémer, ses fantasmes sont « sacrilèges » (2). En cela, il est « plus intelligent dans sa façon d’opérer » (3). Frank a compris que toute cette adoration, c’est du plâtre ! De son côté, Freud (4) l’a précisé dans la Gradiva, cette place vide est celle du désir.

Pour votre plus grand plaisir, je l’espère, j’ai pu vous restituer la vidéo de la scène en question et dans cet article. Ci-dessous : 

Franck Underwood l’affirme, c’est dans le titre, « House of card » : la maison de Dieu est un château de cartes, prêt à s’effondrer.

Mais, les psychanalystes en disent un peu plus.

Ce truc en plâtre est l’élément central de la cathédrale, ce qui anime le discours de l’évêque sur son Dieu, ce autour de quoi l’église s’est construite…. Mais, en fait, c’est une place vide. De même que l’effigie du Christ sur la croix est une coquille de plâtre qui ne contient rien. Un objet assez spécial quand même !

Lacan l’a commenté à plusieurs reprises. Il a souligné l’importance des silènes qu’il rattache à l’agalma, une figuration de l’objet petit a (4).

Concrètement, littéralement, la figure adorée est vide. En tant que figure, elle n’est que représentation d’un être absent. Mais, de quel être ? Donc, personne ne sait ce que l’effigie contient.

Jésus sur la croix l’aurait affirmé : « Ils ne savent pas ce qu’ils font ! » (Luc 23,34). Ils ne savent pas ce qu’ils font, en adorant un Jésus en plâtre, une icône « en effigie », ajouterait le psychanalyste…

La vérité, c’est qu’il n’y a personne pour entendre les plaintes des hommes, même pas un Dieu. D’où l’ironie d’Underwood quand il sort de la cathédrale en ramassant l’oreille de plâtre : « au moins, j’ai son oreille ! « .

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1- le héro de House of card US, interprété par Kevin Spacey, saison 3, épisode 4

2- Lacan J., Le transfert, le séminaire livre VIII, Paris, Seuil, 1991, p. 290-291 : chez l’obsessionnel, il existe « certains fantasmes sacrilèges où la figure du Christ, voire son phallus lui-même, se trouvent piétinés », « fantasmatisation appelée trop brièvement sacrilège ». La voie que choisit l’obsessionnel », c’est « frapper le phallus dans l’Autre », c’est un « rejet des signes » du désir de l’Autre.

3- Ibid, p. 289 4 – Freud S., Le délire et les rêves dans la Gradiva de W. Jensen, Paris, Gallimard, 1983, p. 173-174 : « le graveur a choisi le cas exemplaire du refoulement dans la vie des saints et des pénitents. Un moine ascète s’est réfugié – sûrement pour fuir les tentations du monde – près de l’image du Sauveur crucifié. Alors, cette croix s’affaisse comme une ombre et, rayonnante, s’y substituant, s’élève à sa place l’image d’une femme nue aux formes épanouies, également dans la position du crucifiement. D’autres peintres, dont la pénétration psychologique était moindre, ont placé, dans les représentations analogues de la tentation, le péché insolant et triomphant quelque part à côté du Sauver sur la croix. Seul Rops lui, a fait prendre la place du Sauveur lui-même sur la croix; il parait avoir su que le refoulé, lors de son retour, surgit de l’instance refoulante elle-même… ».

4 – Lacan J., Le transfert (1960-1961), Le séminaire, livre VIII, Seuil, Paris, 1991, p. 166  

 

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