Les insuffisances des quartiers disciplinaires quand au suicide en prison

Le rapport du Dr Albrand est très attendu. Avant cela, le ministère « communique » en forme de bulletin de « victoire »: un bilan « positif » selon lui ! Il veut « humaniser » les quartiers disciplinaires. Mais en quoi le principe des quartiers pourrait-il être humain ?

Suicide en prison : un rapport regrette des « insuffisances »

Alain Salles, Le Monde, 22 01 2009

hargé d’une mission sur le suicide en prison par le cabinet de Rachida Dati, le docteur Louis Albrand estime qu’« il existe des insuffisances dans le dispositif mis en place par l’administration pénitentiaire ». Tout en parlant de « bilan globalement positif », il déplore « l’absence encore trop fréquente de définition d’un véritable plan individualisé de protection active de la personne détenue suicidaire ». Selon lui, le placement sous surveillance spéciale « consiste en fait essentiellement à des rondes supplémentaires qui peuvent se révéler dans certaines situations plus anxiogènes que protectrices ».

Le docteur Albrand a fait ces constats dans un pré-rapport de novembre 2008, dévoilé par Libération du 22 janvier et dont Le Monde a eu connaissance. Il doit remettre la version finale de son rapport à la fin du mois. Le nombre de suicides continue à augmenter, avec 115 morts en 2008 et 14 morts depuis le début de l’année, selon l’Observatoire international des prisons.

MANQUE DE MOYENS ET DE VOLONTÉ

En 2003, le psychiatre Jean-Louis Terra avait fait dix-sept recommandations qui ont commencé à être mises en œuvre par l’administration pénitentiaire. Le nombre de suicides a d’ailleurs baissé en 2006 et 2007.

Mais le docteur Albrand constate que plusieurs recommandations n’ont pas été appliquées. La mise en place d’un recueil d’informations à partir du moment où une personne à comportement suicidaire est placée en garde à vue s’est heurtée à la résistance de la police. L’administration pénitentiaire n’a pas mis en œuvre un placement des détenus suicidaires en cellule sécurisées, pendant soixante-douze heures, plutôt qu’en quartier disciplinaire, faute de moyens et de volonté du personnel. Idem pour une expérience de formation de certains codétenus, une information auprès des médias et une expérimentation de la vidéosurveillance.

Louis Albrand constate que la grille d’évaluation du potentiel suicidaire n’est utilisée que dans 48,7 % des cas. Dans les deux tiers des cas, il n’y a pas de surveillance spéciale avant et après le procès du détenu, notamment en maison d’arrêt, alors que ce sont des moments où il est fragilisé. La suppression des points d’accroche – alors que 95 % des suicides ont lieu par pendaison – n’est réellement effective que dans les nouveaux établissements, car cela « nécessite un budget conséquent ».

Le pré-rapport préconise « une prise en compte plus globale de la personne détenue (ses relations familiales, ses activités, un travail ou une formation qui pourraient l’occuper) ». Il propose aussi de mettre en place un système d’échanges d’informations, « accessibles aussi en dehors des heures ouvrables » pour associer « véritablement » les familles qui pourraient faire part de leurs inquiétudes par le biais d’un numéro vert, par exemple. Il suggère de diminuer le recours au quartier disciplinaire, « en privilégiant des mesures alternatives à la cellule disciplinaire, mais aussi en faisant des quartiers disciplinaires des lieux d’exécution d’une sanction plus humanisée ».

Dans un bilan sur les suicides de 2008, l’administration pénitentiaire indique que 71,56 % des personnes qui se sont suicidées avaient été repérées comme suicidaires : « Pour ces personnes, des mesures spécifiques de suivi ont été mises en place, mais pas forcément un plan de protection complet », reconnaît l’administration pénitentiaire.

Alain Salles