Les placébos chers, plus efficaces que les bon marché… Une révolution

Nominés aux Ig nobel (les nobels ignobles) :

Avis aux comportementalistes:

“Le prix de Sciences Cognitives est revenu à une collaboration nippo-hongroise qui s’est penchée sur l’intelligence des amibes. Des êtres tellement simples qu’ils ne sont formés que d’une seule cellule. Et pourtant : placés à l’entrée d’un labyrinthe, une amibe est capable de trouver toute seule, sans plan ni boussole, le chemin le plus court vers la sortie. L’amibe serait donc plus douée pour l’orientation que certains humains (on ne citera pas de nom). Et attention : c’est la revue Nature qui a publié ça. Si les meilleurs se mettent à dérailler…”.

Avis à l’industrie pharmaceutique:

“ Dan Ariely et son équipe de l’université de Durham (Caroline du Nord) ont reçu le Ig Nobel de Médecine pour avoir montré que les médicaments très chers étaient plus efficaces que ceux bons marché, dans le cas où lesdits médicaments sont des placebos. Une révolution ! Du sucre à 150 euros guérirait mieux que la pénicilline à deux sous. Si les entreprises pharmaceutiques suivent cette conclusion, elles devraient rapidement mettre la clé sous la porte pour revendre leurs locaux à Béghin-Say ”.

Les sciences sociales ne sont pas solubles dans les sciences cognitives, pétition contre la réforme du CNRS

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Les signataires de ce texte sont tous concernés par le domaine que le projet d’Institut National des Sciences Humaines et Sociales (INSHS) entend regrouper sous l’appellation « Cognition et comportement ».
Nous sommes étonnés et inquiets de voir que le projet considère que ces domaines relèvent exclusivement des sciences cognitives, constituant les « théories de la complexité » en référent méthodologique central. Il ne fait aucune mention de la philosophie des sciences non naturaliste, de la sociologie, de l’histoire, de l’anthropologie et des sciences politiques. Pourtant, la question de savoir ce que sont précisément la « cognition » et le « comportement » est, à l’évidence, un objet des sciences humaines et sociales : il suffit de penser aux conséquences juridiques et pénales, professionnelles, éducatives (pour ne citer que quelques exemples) de la définition de ce qu’est un comportement, ou aux dimensions collectives, linguistiques, pragmatiques de ce qu’on entend par cognition. Les sciences cognitives n’ont pas le monopole de la cognition.
Pour avoir une idée de l’aveuglement de la nouvelle perspective envisagée, rappelons-nous seulement l’intensité des polémiques qui ont suivi la publication de l’expertise collective de l’INSERM sur le trouble des conduites en 2005 : la définition des comportements anormaux des enfants est apparue immédiatement comme un enjeu de société. Nous sommes étonnés et inquiets de constater l’absence dans le projet des mots-clés santé mentale, psychiatrie, alors que ces domaines sont aujourd’hui, non seulement des préoccupations transversales de nos sociétés, mais encore des objets de conflits.
Peut-on encore sérieusement affirmer que la connaissance du « substrat cérébral » soit la principale chose à considérer pour traiter des questions d’éducation, de santé ou d’organisation du travail ? Les meilleurs spécialistes des neurosciences eux-mêmes s’en gardent bien, et nombreux sont ceux qui souhaiteraient un dialogue approfondi avec des historiens, des sociologues ou des philosophes, précisément sur ces points, afin de procéder à l’indispensable analyse conceptuelle des termes en question : esprit, cerveau, connaissance, comportement.
Le privilège accordé aux approches neuroscientifiques pour parler du comportement relève d’une politique de recherche à courte vue. Une telle approche idéologique ne saurait fonder une politique scientifique digne du futur Institut. S’agit-il de convertir de force la communauté scientifique en sciences humaines et sociales au paradigme cognitiviste ? Nous ne sommes pas appelés à devenir des neurosociologues, des neurophilosophes, des neuroanthropologues ou des neurohistoriens. L’examen concret de la normativité de la vie sociale découverte par l’École sociologique française (Durkheim et Mauss) et la sociologie allemande (Weber) n’est pas une illusion destinée à être remplacée par l’étude de la connectivité cérébrale. C’est un niveau autonome et irréductible de la réalité humaine.
Pourquoi, sans aucun argument explicite en sa faveur, accorder un pareil privilège à un paradigme particulier, naturaliste (ou du moins réductionniste), au détriment d’approches intégratives qui font place aux dimensions sociales de la formation des connaissances (aux contextes socio-historiques, aux institutions, …) ? L’INSHS doit-il mettre un seul paradigme intellectuel en position dominante ? Doit-il rayer d’un trait de plume le pluralisme méthodologique et les débats de la communauté scientifique internationale ? Doit-il enfin compter pour rien l’excellence reconnue des programmes non cognitivistes en SHS ?
Depuis plusieurs années des chercheurs en sciences sociales ont commencé à développer au sein du CNRS notamment, des recherches sur ces sujets. Ils ont constitué un milieu scientifique ouvert et créatif, et ont entamé son internationalisation. Le projet tel qu’il est conçu aujourd’hui mettra fin à cette dynamique. Au-delà, il menace l’existence même des sciences humaines et sociales comme disciplines vivantes, critiques e constructives.
Nous reconnaissons parfaitement l’intérêt des sciences cognitives, et la nécessité qu’elles aient leur place et qu’elles se développent à l’INSHS. De même il nous paraît essentiel de valoriser et de reconnaître les « théories de la complexité » comme un authentique partenaire scientifique dans les sciences humaines et sociales. C’est une condition évidente de la crédibilité scientifique internationale du futur Institut. Mais pour cette raison même, nous refusons leur monopole. Le statut du pôle « Cognition et comportement » tel qu’il est actuellement rédigé consacre la marginalisation d’autres paradigmes d’analyse ou leur insidieuse relégation dans le patrimoine historique.
Nous exigeons donc la réintroduction explicite, dans la mission confiée au pôle « Cognition et comportement », des disciplines qui en ont été exclues, la sociologie, l’histoire, l’anthropologie, la philosophie, l’économie (qui n’est pas une neuroéconomie, pour la plupart des chercheurs) et les sciences politiques afin, tout simplement, que la liberté et la qualité de la recherche soient préservées au sein de l’Institut.


Signer la pétitionVoir les signataires


Les premiers signataires de cet appel sont : Simone Bateman (sociologue, directrice de recherche au CNRS), Jean-François Braunstein (philosophe, Pr à l’université Paris 1), Martine Bungener (économiste, directrice de recherche au CNRS), Pierre-Henri Castel (philosophe, directeur de recherche au CNRS), Jean-Paul Gaudillière (historien, directeur de recherche à l’INSERM, directeur d’études à l’EHESS), Vincent Descombes (philosophe, directeur d’études à l’EHESS), Alain Ehrenberg (sociologue, directeur de recherche au CNRS), Bruno Karsenti (philosophe, directeur d’études à l’EHESS), Sandra Laugier (philosophe, Pr à l’Université de Picardie), Bernard Lahire (sociologue, Pr à l’ENS-LSH), Frédéric Lebaron (sociologue, Pr à l’Université de Picardie), Michel Le Moal (psychiatre et neurobiologiste, membre de l’Académie des sciences), Olivier Martin (sociologue, Pr à l’Université Paris Descartes), Albert Ogien (sociologue, directeur de recherche au CNRS), Bernard Paulré (économiste, Pr Paris 1), François Rastier (linguiste, directeur de recherche au CNRS).

Culture psychiatrique et culture judiciaire : relire Michel Foucault

Colloque international dans le cadre de « Dialogue interculturel : la rencontre des folies »Lundi 15 et mardi 16 septembre 2008 de 9h30 à 18h Grande Halle de la Villette Entrée libre

Prise en charge possible dans le cadre de la formation professionnelle

Contact Association TranSFaire Tél : 01 53 69 08 80 / Fax : 01 53 69 09 99 /info@transfaire.org

Organisé dans le cadre de « 2008 – Année européenne du dialogue interculturel », ce colloque international portera sur la santé mentale en Europe. Dans le contexte des récentes controverses en France et en Europe sur les questions de l’expertise psychiatrique, de la responsabilité pénale des malades mentaux et de la dangerosité dans la société contemporaine, d’éminentes personnalités du monde psychiatrique, judiciaire et philosophique interrogeront ces notions, avec l’œuvre de Michel Foucault comme horizon de réflexion.

LUNDI 15 SEPTEMBRE MATIN FOUCAULT ET LA FOLIE Modération : Martin LEGROS, rédacteur en chef adjoint de Philosophie Magazine Avec Maître Robert BADINTER, Mme Élisabeth ROUDINESCO, M. Colin GORDON, M. Frédéric GROS APRÈS-MIDI LA RENCONTRE DU PSYCHIATRIQUE ET DU JUDICIAIRE : L’EXEMPLE DE L’EXPERTISE Modération : Martin LEGROS Avec Mme Claude FINKELSTEIN et des représentants d’associations européennes d’usagers de la psychiatrie, M. Frédéric CHAUVAUD, Dr. Daniel ZAGURY, Jean DANET MARDI 16 SEPTEMBRE MATIN LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MALADES MENTAUX Modération : Claude-Olivier DORON (sous réserve) Avec M. Denis SALAS, Juge Edward ORMSTON, Mme Claude FINKELSTEIN, M. Alain BOULAY APRÈS-MIDI LA DANGEROSITÉ : SURVEILLER ET SOIGNER Modération : Martin LEGROS Avec Mme Françoise DIGNEFFE, Dr. Mario COLUCCI, M. Claude-Olivier DORON, M. Le Procureur Général Jean-Olivier VIOUT Laurence Février ponctuera les débats de lectures de textes de Michel Foucault, et présentera, en collaboration avec Brigitte Dujardin, une installation vidéo reprenant les paroles d’usagers et de personnels de santé collectées à l’hôpital de Montfavet. Avec le soutien de la Commission européenne dans le cadre de « 2008 – Année européenne du dialogue interculturel » Télécharger le programme complet >>>> à venir

Culture psychiatrique et culture judiciaire : Pourquoi relire Foucault aujourd’hui ? Depuis le 19ème siècle, par le détour de l’expertise psychiatrique, la psychologie de l’inculpé se retrouve au cœur des débats judiciaires. La justice examine à la fois des actes dont le caractère délictueux doit être établi, et des sujets dont la responsabilité doit être évaluée. Aujourd’hui, la prise en compte accrue du ressenti des victimes et des peurs de la société réinterroge les rapports entre le domaine pénal et le domaine médical. De ces rapports toujours instables et conflictuels, Michel Foucault a fait l’histoire ; une histoire qui vise à déranger nos partages trop évidents, nos certitudes prétendument immémoriales. Si le code pénal a évolué, les questions posées par le philosophe à cette entrée du savoir psychiatrique dans le pouvoir judiciaire restent d’actualité : à quelle légitimité prétend l’expertise psychiatrique ? Jusqu’où la justice doit-elle se préoccuper de la psychologie des individus ? A quelles stratégies répond le suivi socio-judiciaire des malades jugés « dangereux » ? Ces trois questions seront abordées au cours d’un colloque qui ne se propose pas tant de commenter Foucault, que d’utiliser certaines de ses grilles de lecture pour analyser l’inquiétude actuelle des professionnels et des usagers. A l’heure où la santé mentale devient un enjeu de la politique commune européenne, ce colloque se veut international. Mais pourquoi revenir aujourd’hui à une pensée qui a accompagné les combats d’hier, liés à un contexte médical différent, comme ceux de l’antipsychiatrie ? Publié en 1961, L’Histoire de la folie est devenu un ouvrage classique, au risque d’être classé, comme un monument. Sa thèse principale semble aussi connue que contestée. L’actualité éditoriale internationale nous invite cependant à souffler la poussière accumulée. Dans les pays de langue anglaise, ce n’est que l’an dernier que le grand public a pu accéder à la première traduction intégrale de L’Histoire de la folie. A travers le monde, la publication des cours au Collège de France, entamée en France en 1997, a profondément renouvelé notre approche de l’œuvre foucaldienne. Au sein de ce corpus foisonnant, les deux cours consacrés à la psychiatrie (1973-1974 : Le pouvoir psychiatrique et 1974-1975 : Les anormaux) opèrent des déplacements importants par rapport au travail inaugural de 1961. Pour une jeune génération de chercheurs, relire Foucault a d’abord été synonyme de l’entendre pour la première fois. Par ailleurs, le philosophe français a été particulièrement sensible à la dramaturgie de la folie qui a habité notre culture, de Calderon à Artaud. Le lieu même de La Villette nous invite à honorer cet aspect à travers les paroles collectées par Laurence Février, comédienne et metteur en scène, ainsi que l’installation « Dots Obsession » de Yayoi Kusama présentée dans la Grande Halle cet été. Philippe Chevallier Coordinateur scientifique Comité scientifique Philippe Artières, historien, chargé de recherche LAHIC-CNRS Daniel Defert, sociologue, maître de conférences à l’université Paris VIII Claude Finkelstein, présidente de la Fédération Nationale des Associations de Patients et ex-patients en Psychiatrie François Gibault, avocat à la Cour d’appel de Paris Tim Greacen, psychologue, directeur du laboratoire de recherche de l’EPS Maison Blanche Frédéric Gros, philosophe, professeur à l’université Paris XII Jean-Louis Senon, psychiatre, professeur à la Faculté de Médecine, Université de Poitiers En partenariat avec l’association TranSFaire

L’année européenne 2008 est celle du dialogue interculturel. L’objectif est de favoriser les relations entre les cultures existantes et de développer le sentiment d’appartenance à une citoyenneté européenne. « Vivre ensemble la diversité » en est la devise. Pour participer à cette belle opération, vous pouvez consulter le site européen : http://www.dialogue2008.eu/ et le site français : www.dialogue.interculturel.culture.fr


 

Pas assez fou

Trouvé sur Wikipédia sur les jeux paraolympiques d’été de 2000 par bulle de papier :  » L’équipe d’Espagne de basket-ball déficiente intellectuelle a du rendre sa médaille d’or après que le Comité Paralympique Espagnol se fut rendu compte que 10 des 12 joueurs de l’équipe n’avaient aucun handicap mental. Ce scandale a abouti à l’exclusion des handicapés mentaux aux Jeux paralympiques d’Athènes en 2004. Le Comité international paralympique a considéré qu’il était trop difficile de déterminer le niveau de handicap des athlètes déficients intellectuels ».

« Nous sommes tués – il ne faut pas le dire », Hélène Cîxous

Le Monde des livres, 23 05 2008

« Un jour j’ai perdu un fils, perdu de manière perdissime.

Où est-il passé ? Selon moi, je ne pourrai jamais en parler. Mais on ne sait jamais. Les secrets font leur chemin de taupe et ils apparaissent selon leur volonté. Un garçon me hante, il est un des fantômes intérieurs les plus puissants parce qu’il est le plus faible.

Il faut écrire une tombe. Les tombes peuvent mourir. Ressusciter. J’ai ressuscité la tombe de mon père l’année dernière. Après cinquante années, nous nous sommes retrouvés. Etreintes. Ce que mon père m’a dit pendant que je lui caressais la tombe, je ne peux pas le dire. Peut-être un jour si j’arrive à écrire Hamlet.

Un jour j’ai confié à mon ami Jacques Derrida le secret du Livre-que­-je-n’écris-pas. Jacques Derrida est le champion des Secrets. Le Secret par excellence c’est lui, le-livre-que-­je-n’écris-pas. Toute ma vie à ne pas l’écrire. Je n’en pouvais plus. Comment ne pas en parler’? On ne peut en-parler sans-en-parler qu’en en parlant à celui qui est plus moi-même que moi. C’était devenu urgent. Je voulais lui dire : il y a un Livre-que-je-n’écris-pas. C’est lui qui est l’origine et la cause de tous mes livres. Je lui ai tout dit. Il garde le Secret.

« Tu n’écriras pas ce livre », dit le Secret. C’est la loi des lois qui scande ce qui aura été mon œuvre. C’est mon «Tu ne tueras point» paradoxal. La voix de mon Secret est terriblement douce, soyeuse, gris ciel, impérieuse et confiante. Elle m’interdit et me confirme. Elle anticipe. Elle précède et sème. Elle ajoute: c’est ce qui fait que tu écris tous ces livres autres. Jure ! Je jure que je ne l’écrirai jamais. Naturellement je ne pense qu’à ça: à ce Livre, au serment, au parjure. Je vis de ce spectre. Ah! si je pouvais l’écrire. J’ai promis. Le livre-pro­mis, je continuerai à ne-pas-l’écrire. Il m’accompagne, me veille, me tente, me surveille, me survit. C’est l’amant mystique, l’arbre paradisiaque. Je ne renonce pas, c’est-à-dire je ne renonce pas à renoncer. Je le conjure. Je n’ai jamais vu son visage. Je le vois passer. Je le suis. Il m’appelle! Chaque fois que (je) commence un livre, c’est tout de suite déjà un nouvel adieu et un salut au Livre-que-je-n’écrirai-pas. Ce serait le plus beau livre du monde, le plus stupéfiant, le plus impitoyable, le plus innocent. Si je l’écrivais nous serions tués, j’en mourrais. Si je ne l’écris pas j’en mourrai encore longtemps après ma mort

Je pourrai peut-être – Non -­

Une fois que je ne serai plus là pour le garder, le secret ne restera plus secret, c’est une consolation posthume, ce qui n’a pas lieu a autrement lieu. J’aurais tellement voulu être là, dans cent ans, pour voir Ie visage de ce Livre de mes yeux vivants.

Voilà pourquoi je suis à jamais inconsolable. Du moins le jour.

Heureusement il y a les rêves. Je dors dans leur jardin. Tandis que moi je ne sais pas, ils savent tout pour moi, les rêves. Les secrets qu’ils sont, je ne les détiens pas, ils s’interprètent eux-mêmes, je respire dans leur réserve, tout est su, vu, lu, sauvé, ils me jouent des pièces inavouables sous leurs scènes d’aveu. La nuit je vis sous On, je vois en contrebande, je goûte le mal sous le masque, il y a orgie d’aveux et tandis que je reste fidèlement aveugle à travers l’aveu même, je suis toute avouée tout s’avoue, tout m’est avoué sans que rien n’ait jamais échappé à la garde de l’inavouable. Je crois tout ce qu’ils m’arrivent. Comme il fait pur clair et intrépide dans le Vent de la Nuit! Je dis tout ce qu’il ne faut pas dire. Enfin je hais en paix, j’adore comme je veux. Mes morts vivent. J’écris en une demi-heure Le Livre ­que-tu- n’écriras-pas.

Mourir, rêver peut-être ? Je l’espère. J’attends ça. Il doit faire bien Vrai sous la terre ».

L’autisme n’est pas une fatalité

Dans Libération du samedi 12 avril 2008, Jacqueline Berger, journaliste, auteur de «Sortir de l’autisme» (Buchet-Chastel), est interviewée par Anne Diatkine sur son livre, © Libération.

Extraits :

« Paradoxalement, s’il y a un répit dans les blessures narcissiques constantes qu’inflige le regard des autres, j’en ai plutôt fait l’expérience en parlant avec des psychanalystes. Je n’ai jamais eu le sentiment que l’enjeu était de reconnaître sa responsabilité ou de s’en disculper. La psychanalyse a mauvaise presse entre autres parce que ses résultats ne sont pas évaluables, mais elle est l’un des rares lieux où les parents d’enfants «différents» ne sont pas devant un tribunal ». (…)

« J’ai la conviction que les «fous» qui sont de nouveau relégués, cachés et parfois maltraités comme au début du siècle dernier, ont beaucoup à nous apprendre. Ne serait-ce qu’il y a trente ans, la pensée était en ébullition à son contact ». (…) Continuer la lecture de « L’autisme n’est pas une fatalité »

Freud entretient des soupçons sur la question génétique du suicide….

Le suicide est-il génétique ?

Pouvons-nous le recevoir en héritage de nos parents ?

Est-il possible de le transmettre à nos enfants ?

Freud s’est montré assez radical quand à cette hérédité des névroses. Il estime que la névrose peut en effet se « transmettre ». Mais, pas par les gènes !

Par identification !

Continuer la lecture de « Freud entretient des soupçons sur la question génétique du suicide…. »

Le blog impérissable

Tenir un blog est une sorte d’ouverture à l’inconscient.

J’ai pu constater que les témoignages à propos de suicide, ce que disent les personnes qui se sont frottées à l’envie de se détruire, n’ont rien de virtuel. La matière d’un blog est une chose étonnante. Car il y a de la matière.

La nommer « virtuelle » est une erreur qui nous masque une réalité intéressante à cerner. Au pire une fausse piste qui peut faire croire que ce que l’on y dit ne serait pas consistant, du baratin et du bla-bla.

Il y a les mots, leur agencement, leur publication selon un format imposé par le fournisseur d’accès internet et la plateforme que l’on utilise pour la mise en page avec ce que cela suppose comme typographie et habillage imposé par ces derniers.

Avec le blog, j’ai commencé par utiliser ce dont je pouvais disposer comme forme prédéfinie par Blogger. En réalisant l’index, j’ai pu me rendre compte de ce que cela emporte comme empilement. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de citer des paragraphes déjà rédigés qui ont comptés comme des sortes de balises dans la progression de la réflexion sur le suicide. Et alors là, j’ai pu réaliser un effet « d’enfouissement ». C’est François Bon qui en fait la pertinente remarque.

Le blog a une structure d’empilement. Chaque nouveau billet N se superpose au précédent et le repousse au rang précédent. N-1. Puis, le nouveau billet devient N-1 à son tour et le précédent N-2, etc…. Si bien que le nouveau billet n’est jamais assez nouveau, qu’il est déjà un N-1 ou N-X en puissance. X est infini. Borné par N qui tend vers rien. Le nouveau billet n’existe pas encore qu’il est déjà appelé dans les dessous. Cela donne une pile de billets dont la structure dans l’espace du blog est verticale. Une pile de livre où il est difficile de repérer le billet du dessous. Dans les strates successives de billets, il arrive un moment où chaque strate devient difficile à retrouver. Ce qui pourrait conduire à une archéologie du blog.

Il est en effet tentant de comparer cet empilement à un « enfouissement » : « Un blog est condamné à sa permanente superposition verticale, donc se faisant disparaître lui-même en permanence par auto-étouffement sur même surface, comme ce jeu de gosse où c’est à qui mettra la main sur le dessus — c’est cela que j’appelle le principe de fosse à bitume : vous mettez en ligne un article, les commentaires arrivent ou pas (en général, 3 ou 4 commentateurs noyau pour chaque blog, soit 1 % des visiteurs individuels « discrets » ?), et puis les consultations baissent parce que vos habitués sont déjà passés consulter, alors vous remettez un article et on réamorce, mais le précédent ne sera plus accessible que moyennant considérable et volontaire effort du visiteur, sauf travail de série. (…) La forme devenue dominante des blogs s’enfonce verticalement comme dans une fosse à bitume, enterrant à mesure ses propres contenus sous elle : c’est étrange à voir. Pas de thésaurisation d’ensemble, par d’arborescence de travaux menés parfois sur des années : donnant primauté à ce bruit de la mise en ligne au quotidien, qui en fait en même temps l’outil le plus actif, comme on plaçait nos affiches autrefois, seau de colle à la main, en pleine ville (c’est peut-être le plaisir nostalgique d’Internet, pour nous arrivés dans l’après 68 ?) », Francois Bon, © 17 février 2007, Le tiers-livre.

Je pense que cette disposition en strates des billets est une autre forme de matérialité des blogs. Sauf que l’on peut prendre le billet qui se trouve en dessous de la pile sans écrouler l’empilement. Que cette succession ne s’efface pas, elle s’étend sans cesse pour peu que l’auteur du blog ne s’arrête pas. Les billets restent intacts au moins en principe d’après ce que les as de l’informatique nous expliquent.

Car il s’agit de la limite de la comparaison avec des affiches électorales ou publicitaires que l’on superpose sur les tableaux adéquats. Les panneaux sont retirés après les élections pour atterrir dans les usines de recyclage du papier. Si d’aventure les affiches se trouvent sur un mur, une exception de nos jours, les services municipaux ayant une section « anti-tag » dans les grandes villes, les anciennes affiches ne sont pas accessibles sans un minutieux travail de décollement afin d’éviter qu’elles ne se déchirent. Certaines seront perdues, emportées dans ce décollement. Cette comparaison a quelque chose de mortel qui nous reporte à la pourriture des tombeaux. Elle est valable pour les affiches électorales. Il faudrait poser la question à ceux qui tiennent des blogs à ce sujet. Nous pourrions peut-être déterrer quelques fameux cadavres dont l’exquise odeur ne manquerait pas de nous écœurer…

Le recyclage du papier est comparable à celui des autres déchets urbains. Lacan disait que cela définit une civilisation et distingue les hommes des animaux.

Freud avait déjà remarqué un des paradoxes de l’écriture dans un tout petit article, « Le bloc-note magique [1] ». Soit l’écriture est limitée par son étendue, l’espace pour écrire est limité à une feuille et quand elle est remplie, il faut en prendre une autre. Soit elle est limitée par sa durée. Elle peut être effacée comme la craie sur un tableau.

Avec internet, ces deux limites sautent. L’espace pour écrire est infini et il ne s’efface pas.

Mais la distinction espace/durée reste valable. Surtout quand on la compare comme le fait Freud à notre appareil psychique. Nous ne parvenons pas à tout lire, tout voir, tout entendre, nous sommes bornés dans l’espace de ce qui s’écrit dans notre conscience. Nous ne pouvons pas tout garder à l’esprit, le passage derrière, au niveau N-1 est inévitable. L’oubli fait partie de notre fonctionnement psychique. La « perception sensible » fonctionne par l’effacement répété du précédent billet N-1. La conscience est cette première page parge vierge d’un billet où l’on va reporter nos perceptions du moment.

Un personnage comme Rain Man le peut (s’il existe). Il se rappelle de tout car rien ne s’est effacé et il n’y a pas de limite à ce qu’il enregistre. Ran Main est un homme moderne, l’internet à lui seul.

Je suis très étonné par ces commentaires à d’anciens billets qui arrivent alors que je les avais déjà oubliés depuis un moment. Ces billets des dessous du blog me font retour après un oubli peut-être salutaire qui m’a permis, au moins, d’apprécier et d’admirer la performance de Dustin Hoffman. Car je ne suis pas forcément fier de constater la lenteur et les erreurs de ma pensée…

Les billets du blog nous reviennent intacts. Ils ne sont en réalité pas effacés, ils restent en réserve. Ils sont aussi délocalisés. Ces billets figurent dans les « archives » du blog et aussi dans d’autres lieux sur internet quand ils sont cités ou enregistrés par les moteurs de recherche ou d’autres blogs.

Freud estimait que le bloc-note magique illustrait l’inconscient de très près. Le blog aussi. Le blog illustre très bien ce que Lacan disait de l’inconscient. L’inconscient est le discours de l’Autre. Au moment de l’écriture, au point précis où le billet est publié sur le net, l’écrit passe dans l’Autre de l’internet. Les billets s’affichent dans plusieurs moteurs de recherche comme les échos du ricochet de la pierre à la surface de l’eau. Les lecteurs peuvent en parler longtemps après. Les billets N-X subsistent sans destruction. Ils sont impérissables. Le blog ouvre un espace infini (temps et espace) susceptible d’un retour dans tout lieu internet et à tout moment.

Combien de bloggeurs réécrivent leurs anciens billets et les publient comme des nouveaux ?

Les billets peuvent être modifiés après-coup. L’auteur peut agir sur un ancien billet en modifiant, ajoutant, complétant et développant le texte initial. Il peut effacer une partie du texte initial ou en enlever. Il peut le faire sur la surface initiale du billet N-X ou sur la surface vierge d’un nouveau billet en le reprenant à un moment ultérieur. Le texte initial n’a pas de forme et de contenu stable. Il peut être modifié en plus ou en moins, à sa place d’origine sous la pile des billets ou ailleurs sur une nouvelle surface à un autre moment. Il n’est pas figé, il peut varier dans le temps, il peut se délocaliser, il n’a rien de définitif. Les écrits de blog sont un matériau « plastique [2] ».

L’empilement crée la densité d’un espace qui permet un déroulement infini dans le temps et l’espace de l’Autre. Il ouvre la possibilité de créer une histoire. Celle du parcours du bloggeur sur laquelle il (ou d’autres) a la possibilité de revenir. S’il est sensible à la nature inconsciente de ce qu’il a écrit.

Merci François Bon. Encore. Cordialement.



 

[1] – Freud : « Le bloc-note magique est un tableau fait d’un morceau de résine ou de cire brun foncé encadré de papier; il est fait d’une feuille mince et translucide qui est fixée à son bord supérieur et libre en son bord inférieur. Pour se servir de ce bloc-note magique, on écrit sur le feuillet de celluloïd transparent. Un style pointu raye la surface où l’écriture s’inscrit en creux ». En tirant la feuille, l’écriture est effacée, mais elle est aussi conservée dans la couche de cire brune. La surface redevient vierge et figure le système de la conscience pour Freud, dans : Résultats, Idées, Problèmes, Tome II, Paris, PUF, p.120

 

[2] – S. Freud dit une chose analogue : « Tout stade antérieur de développement subsiste à côté du stade ultérieur né de lui. La succession implique une coexistence, bien que toute la série des transformations découle des mêmes matériaux. L’état psychique initial peut bien, des années durant, ne pas se manifester ; il n’en subsiste pas moins, tant et si bien qu’il peut un jour redevenir la forme d’expression des forces psychiques, voire la force unique, comme si tous les développements ultérieurs avaient été annulés, ramenés en arrière. Cette extraordinaire plasticité des développements psychiques n’est pas illimitée quand à sa direction. (…) Mais les états primitifs peuvent toujours être réinstaurés ; le psychique primitif est, au sens le plus plein, impérissable », dans « Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort » (1915), Essais de psychanalyse, petite bibliothèque Payot, 15, Paris, Payot, 1981, p. 22

Karl Abraham : le grand progrès dans l’orientation de la psychanalyse

La lettre de Sigmund Freud à Karl Abraham 2 du 14 janvier 1912 3 est un moment clé de l’histoire de la psychanalyse. Elle donne un bon aperçu du travail théorique d’Abraham. Abraham vient d’annoncer à Freud qu’il travaille sur Amenhotep IV. Au moment où Freud lui parle de ses « travaux sur la psychanalyse de la religion 4». Freud a terminé « l’horreur de l’inceste » qu’il fait publier dans Imago. Ce texte deviendra le premier chapitre de Totem et tabou.

Freud lui répond : « C’est un grand progrès dans l’orientation de la psychanalyse. Savez-vous que vous êtes maintenant, avec Stekel 5 et Sadger6, au nombre des « bêtes noires » de la psychanalyse contre lesquels j’ai toujours été mis en garde. C’était manifeste depuis votre Segantini, que sera-ce à fortiori après Amenhotep ? Mais vous n’en avez cure ».

« Bêtes noires » ? Façon de dire qu’il est fou de se lancer dans ce genre d’étude. Abraham passerait ainsi pour un original comme Stekel et Sadger. « Mais, vous n’en n’avez cure », nuance-t-il.

Alors, pourquoi s’en offusquer ? Freud n’est-il pas justement en train de travailler la psychanalyse de la religion ? Comment pourrait-il lui reprocher ce qu’il fait lui-même ?

Les « bêtes noires »

Je pense que cela s’explique par le contexte politique7. Abraham s’est installé à Berlin depuis 1907 après avoir quitté la Suisse, Bleuler et Jung. Il lance une sorte de tête de pont à Berlin pour la psychanalyse. Il a mis Freud en garde contre Jung, dont il doute de la fidélité. Mais, Freud ne se rend pas aux arguments d’Abraham. Freud cherche des alliances et des partisans. Il ne veut pas qu’Abraham pousse Jung « du côté opposé » par une maladresse ou sa « clarté tranchante 8». Si Abraham se comporte de façon scandaleuse à l’égard de Jung, ce sera le cas.

Mais, le milieu des psychiatres a tendance à rejeter la psychanalyse.

Par exemple, Abraham évoque sa participation à la Société berlinoise de psychiatrie et maladies nerveuses fin 19089. Il est « seul face à l’assemblée et à défendre prudemment les « concordances » entre les points de vue d’Oppenheim et ceux de Freud sur les enfants névrosés ». Abraham avance avec prudence. Il s’abstient d’évoquer le rôle de l’homosexualité. Malgré ces précautions, Freud fait « l’effet d’un chiffon rouge », Ziehen déclare que Freud « n’est qu’absurdités ». Abraham est attaqué publiquement pour ses « affirmations irréfléchies ». Quand il prend l’exemple de Conrad Ferdinand Meyer pour illustrer « l’amour de la mère », le Dr Braatz lui reproche de s’en prendre aux « idéaux allemands » ! La relation à la mère est un point sensible !

La source des sublimations

En 1912, Abraham a déjà publié son important travail sur Segantini.

Les deux études sur Segantini et Amenhotep ont des points communs. Elles portent sur la question de la fidélité masculine. Pourquoi Segantini et Amenhotep restent-t-il monogames ?

Dans ces deux travaux, Abraham conclut à l’importance de la mère dans la psychopathologie de ces hommes.

Avec Segantini, c’est évident : il s’agit d’un « travail derrière lequel se trouvent quelques complexes personnels 10 » pour Abraham. Abraham est lui-même travaillé par les questions qu’il soulève.

L’article sur Segantini est très original. Il est susceptible de faire de la psychanalyse une science « absurde ». Pour Freud, ce risque est « manifeste ». Mais ce n’est pas tant l’originalité du travail d’Abraham qui pose problème. Ce sont ses thèses sur la sublimation.

Commentant les réactions du public au congrès des psychiatres de 1908, Freud l’a déjà pointé : « Les gens ressentent le malaise qui émane de l’analyse de la source des sublimations, et nous le font payer 11».

A propos de Segantini, Abraham explique qu’il a échoué dans la sublimation de son amour pour la mère. Peintre suisse, Segantini a perdu sa mère à l’âge de cinq ans. Abandonné par son père, il tente d’idéaliser les mères dans sa peinture. Malheureusement, l’un de ses tableaux est second à une exposition importante. De là, Segantini décompense. Il devient quérulent et hallucine « une voix qu’il reconnut comme celle de sa mère »12.

Autant dire qu’Abraham a entrevu l’importance de la question de la sublimation. Pour Abraham, la base de cette sublimation, c’est la perte de la mère13. Ce qui est important pour la mélancolie. Un sujet que Abraham va particulièrement développer dans ses études ultérieures.

L’observation de Segantini est d’autant plus remarquable qu’Abraham ne dispose alors pas d’un certain nombre de concepts freudiens importants. Pour Freud, la distinction entre idéal du moi et moi idéal est postérieure. De même que la question de la répétition. Dans son appendice à l’article sur Segantini14, Abraham corrigera légèrement le tir. Mais pour l’essentiel, Abraham maintient son point de vue sur la perte de la mère tout en intégrant la notion de répétition freudienne15.

Ce que cela implique pour l’avenir

Je pense que c’est peut-être cette découverte sur la place de la mère, entre autre, qui a attiré les analystes femmes en formation chez lui. Parmi elles : Mélanie Klein, Hélène Deutsch, Karen Horney et Sabina Spielrein. Horney a déjà commencé son analyse avec Abraham vers 1910. A ce que je sais, Spielrein (vers 1913) et Klein (vers 1922), ont commencé leur analyse avec Abraham après 1912. Les « mères de la psychanalyse », comme les a appelé Janet Sayers16. Ce sont elles qui ouvriront la voie pour l’analyse des enfants. Qu’en est-il du travail sur Amenhotep ?

Amenhotep IV

La première visite d’Abraham à Freud a lieu le 15 décembre 190717 à Vienne. A son départ pour Berlin, Freud lui donne deux statues égyptiennes. Le 11 janvier 1912, dans la lettre qui précède la réponse de Freud, Abraham lui annonce l’existence de son travail sur Amenhotep. Abraham fait allusion au « premier enseignement d’égyptologie dont il a bénéficié 18» à Vienne en décembre 1907. Freud et Abraham ont-ils abordé le cas d’Amenhotep ? S’agissait-il d’une première tranche d’analyse pour Abraham ?

Pour Abraham, Amenhotep est un idéaliste « spirituel 19». Contrairement à son père et son grand-père, Amenhotep n’est pas un guerrier viril et conquérant. Il ne se montre intéressé que par les questions religieuses et fonde le premier monothéisme de l’histoire. Cette « spiritualité » est selon Abraham le signe du grand attachement d’Amenhotep pour sa mère.

La famille de sa mère vénère le Dieu Aton, d’une part. D’autre part, Amenhotep rejette radicalement la croyance de son père pour le Dieu Amon. Amenhotep ira jusqu’à détruire les monuments construits par son père à l’effigie d’Amon. Donc, Amenhotep efface Amon au profit d’Aton. Ce qui constitue la base de la sublimation de son amour pour sa mère.

Il se trouve que Freud utilisera largement la référence à Amenhotep dans L’homme Moïse et la religion monothéiste (publié en 1939).

Mais, Freud ne cite jamais Abraham !

Amenhotep est une partie importante de la démonstration. Freud suppose un lien spirituel entre Amenhotep et Moïse. L’un des fidèles d’Amenhotep serait l’ancêtre de Moïse. Freud explique que Moise est issu de « la même école » qu’Amenhotep et « utilise la même méthode 20». C’est-à-dire, la promotion d’un Dieu unique et monogame. Ainsi que le rejet du Dieu précédent. Il y aurait donc un lien de l’ordre de la transmission d’un savoir.

Quelle est cette transmission ? Amenhotep efface les traces du culte du Dieu de son père. A la place, il met le sien. Pour Moïse, Freud fait le même constat d’un effacement et d’un rejet. Au final, Freud a pris21 l’idée du monothéisme à Abraham en écartant la question de la sublimation de la perte de la mère. Du coup, le mécanisme en question se réfère au père.

L’objet de la transmission ne serait-il pas le signe de cet effacement ? La transmission, un Nom du Père ? Ou un destin de la sublimation ?

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1 – Intervention au séminaire de Franz Kaltenbeck, Le devenir du psychanalyste, Aleph, le 17 janvier 2007

2Karl Abraham est né à Brême le 03 05 1877, il décède prématurément le 25 12 1925

3Ibid., lettre 121F page 191

4 – Sigmund Freud, Karl Abraham, Correspondance complète, 1907-1925, Paris, PUF, 2006, p. 189

5 Stekel : quatrième membre fondateur de la société psychologique du mercredi, fervent, un peu sectaire, exalté et extravagant. Dès 1908, il est très attaqué par Tausk qui le suspecte d’inventer des cas. « Cochon absolu » pour son indécence selon Freud. Freud lui fait quitter la revue en juillet 1910 au moment de sa création, le Zentralblatt für Psychoanalyse. Le 6 novembre 1912, il démissionne en accusant Freud de lui avoir volé ses idées sans le citer. C’est le deuxième « dissident » après Adler. Roudinesco E., Plon M., Dictionnaire de la psychanalyse, Fayard, Paris, 1997

6 – Sadger : il adhère à la Société psychologique du mercredi en 1906. « Fanatique »  de la sexualité selon Freud, il attaquait ceux qui ne pensaient pas comme lui. Il reste dans le cercle de Freud. Il est déporté et exterminé par les nazis en 1942. Roudinesco E., Plon M., Dictionnaire de la psychanalyse, Fayard, Paris, 1997

7 – mais aussi peut-être, deux autres occurrence du « noir » dans la correspondance. « Le blanchissage des nègres », Ibid., p. 79 36A, au sujet des patients qui ne changeront pas malgré le traitement. Au sujet de Moll, fondateur de la sexologie et d’une revue, que Freud taxe de « malhonnêteté » (Ibid., lettre 53F du 12 11 1908 p. 103) : « hic niger est, hunc tu Romane caveto » (celui-ci est une âme noire, à celui-ci, Romain, prends garde. Horace dans Satires), Ibid., 65F, p. 123. Freud explique à Abraham que Moll veut les combattre. Freud est froissé que Moll ne l’ai pas cité dans sa revue par « perfidie ». Pour Freud, Moll mérite une « plainte pour diffamation ».

8 Ibid., lettre 44F du 23 07 1908

9 – Ibid., lettre 52A du 10 11 1908, p. 101

10 Ibid., lettre 101A du 11 02 1911. Déjà, Abraham estsurprisquandtrèsvite, Freud luiaffirmeque son épouseest « cellequ’illuifaut », Ibid., 14F du 01 01 1908, p. 45

11 – Ibid., lettre 114F du 30 08 1911

12 – Abraham K., « Giovanni Segantini. Essai psychanalytique », Œuvres complètes, tome I, 1907-1914, Science de l’homme Payot, Paris, Payot, 2000, p. 205

13 – Abraham K., « Giovanni Segantini. Essai psychanalytique », Œuvres complètes, tome I, 1907-1914, Science de l’homme Payot, Paris, Payot, 2000 : « Les états mélancoliques succèdent très régulièrement à un évènement auquel la constitution psychique du sujet ne peut faire face : une perte qui a ébranlé les assises même de sa vie psychique », p. 208 et « C’est toujours la mère qui lui fait connaître, à cette période précoce de la vie, une telle déception », p. 209

14 – ajoutée en juin 1924, p. 208 à 211

15Abraham K., “Giovanni Segantini. Essai psychanalytique », Œuvres complètes, tome I, 1907-1914, trad. I. Barande, Paris, Payot sciences de l’homme, 1965, p. 209

16 – Sayers, Les mères de la psychanalyse, Paris, PUF, 1991

17Ibid., lettre 13A p. 44

18Ibid., lettre 120A p. 190

19Abraham K., “Amenhotep IV (Echnaton). Contribution psychanalytique à l’étude de sa personnalité et du culte monothéiste d’Aton », Œuvres complètes, tome I, 1907-1914, trad. I. Barande, Paris, Payot sciences de l’homme, 1965, p. 244. Amenhotep était un peu « efféminé ». Il est connu pour avoir créé un style très particulier, une certaine façon de peindre les portraits par le profil. Un style que les égyptologues savent reconnaître du premier coup d’œil.

20 – Freud S., L’homme Moïse et la religion monothéiste, NRF Gallimard, 1986, p. 120

21 – Freud le reconnaît pour la démence précoce, il a largement « plagié » Abraham : « Je me suis aperçu que vous aviez déjà dit la même chose avec beaucoup de netteté. Il va de soi que, dans ce travail, je suis obligé de vous plagier très abondamment », lettre du 18 décembre 1910, Ibid, p. 165

Le cerveau n’a pas d’esprit

Dans le contexte polémique de la « santé mentale », il très utile de lire l’article de Alain Erhenberg[1].

Alain Erhenberg[2] est sociologue. Dans cet article, Alain Erhenberg étudie les neurosciences. Il examine à quelle tendance de la philosophie des sciences et de l’histoire correspondent-elle. Erhenberg évite d’aborder le comportementalisme en tant que tel, ce faisant, il montre que les neurosciences s’en passent fort bien.

Erhenberg parvient à expliquer le succès des neurosciences : ce mouvement est issu de la conjonction d’une forte demande sociale (en finir avec la stigmatisation par la maladie et la mise en cause de la famille des patients) et de la promesse de soulager la souffrance par la connaissance du cerveau. Erhenberg considère que les neurosciences font l’impasse sur le social. Continuer la lecture de « Le cerveau n’a pas d’esprit »