le modèle cognitivo-comportemental violemment critiqué aux Etats-Unis comme inefficace, grotesque et quasiment fasciste

Ce n’est pas nouveau, nous le savons depuis bien longtemps en effet, mais cela vaut la peine de le rappeler: “ le modèle cognitivo-comportemental (…) est violemment critiqué aux Etats-Unis comme inefficace, grotesque et quasiment fasciste ” (E. Roudinesco à propos du livre Christopher Lane au sous-titre éloquent : “Comment des comportements normaux deviennent des maladies”).

Commentant ce livre, E. Roudinesco nous éclaire un peu sur les enjeux: rien moins que l’économie de l’industrie pharmaceutique qui sponsorise largement le DSM, un manuel de diagnostic (parfois gracieusement et largement fourni) à l’usage des psychiatres.

Le DSM est un livre dont je me passe très bien tous les jours… Car il ne m’apprends rien sur la clinique, encore moins sur les personnes que je reçois !

Pire, il invente des troubles qui n’existent pas et culpabilise ceux qui ont le malheur de s’y reporter. C’est “ le Manuel 292 maladies imaginaires ”. Ce Manuel, dira un autre, est « un nouveau suspensoir de l’empereur ». Ce sont aussi “ des tableaux sombrement pathologiques, au prix d’oublier que les fous peuvent être vraiment fous ”.

Conclusion: “ Grâce au DSM, nous sommes donc invités à nous considérer comme des malades mentaux, dangereux pour les autres et pour nous-mêmes. Telle est la volonté hygiéniste et sécuritaire de cette grande bible de la psychiatrie moderne ”.

Ci dessous le commentaire de E. Roudinesco sur le livre de C. Lane.

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« Comment la psychiatrie et l’industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions », de Christopher Lane : la maladie de la médicalisation

Roudinesco E. dans Le Monde des livres, 05 03 2009

u moment où les psychiatres français s’insurgent contre une politique d’Etat qu’ils jugent contraire à leur éthique, voilà que le modèle cognitivo-comportemental qu’ils contestent et qu’ils regardent comme « américain » est violemment critiqué aux Etats-Unis comme inefficace, grotesque et quasiment fasciste. De l’autre côté de l’Atlantique, cette mise en cause ne vient pas des psychiatres, trop soumis au diktat des laboratoires pharmaceutiques, mais des historiens et des écrivains.

En témoigne le livre de Christopher Lane, qui a été un best-seller en 2007. Prenant l’exemple de la timidité, qui n’est en rien une maladie mais une émotion ordinaire, l’auteur, spécialiste de l’époque victorienne et des cultural studies, dénonce la manière dont le fameux DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) – élaboré par l’American Psychiatric Association (APA), puis adopté dans le monde entier à travers l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – a permis, en une trentaine d’années, de transformer en maladies mentales nos émotions les plus banales, pour le plus grand bonheur d’une industrie pharmaceutique soucieuse de rentabiliser des molécules inutiles : contre la crainte de perdre son travail par temps de crise économique, contre l’angoisse de mourir quand on est atteint d’une maladie mortelle, contre la peur de traverser une autoroute à un endroit dangereux, contre le désir de bien manger parfois avec excès, contre le fait de boire un verre de vin par jour ou d’avoir une vie sexuelle ardente, etc.

Grâce au DSM, nous sommes donc invités à nous considérer comme des malades mentaux, dangereux pour les autres et pour nous-mêmes. Telle est la volonté hygiéniste et sécuritaire de cette grande bible de la psychiatrie moderne.

Ayant eu accès pour la première fois aux archives de l’APA, Lane y a découvert des informations étonnantes sur les différentes révisions de ce « Manuel du Père Ubu », censé définir l’homme nouveau du début du XXIe siècle. Entre 1952 et 1968, les deux premiers DSM étaient axés sur les catégories de la psychanalyse, c’est-à-dire sur une nomenclature des affections psychiques qui correspondait à l’étude de la subjectivité consciente et inconsciente : on y distinguait des normes et des pathologies, des névroses, des psychoses, des dépressions, etc.

Mais, à partir des années 1970, sous la pression des laboratoires et des départements de neurosciences, soucieux de réintégrer la psychiatrie dans la neurologie et de créer une vaste science du cerveau où seraient mélangées des maladies dégénératives et des névroses légères, cette approche dite « dynamique », fondée sur des psychothérapies par la parole, fut contestée sur sa droite pour son absence de scientificité biologique et sur sa gauche pour son incapacité à penser l’évolution des moeurs.

Ainsi, en 1973, comme le rappelle Lane, les homosexuels, groupés en associations, exigèrent de ne plus figurer dans le DSM au titre de malades mentaux : ils furent donc déclassifiés à la suite d’un vote. Mais cette décision n’avait rien de scientifique, même si elle était justifiée, puisque l’homosexualité n’est pas une maladie mentale.

« J’AI HONTE POUR LA PSYCHIATRIE »

En conséquence, il fallut procéder à une nouvelle révision du DSM, d’autant que d’autres catégories de citoyens réclamaient, au contraire des homosexuels, d’être pris en compte dans le Manuel : les traumatisés de guerre notamment, désireux d’être indemnisés sans se soucier de savoir si leur problème relevait ou non d’une maladie mentale. On inventa donc, pour les satisfaire, le « syndrome post-Vietnam », qui fut dûment catalogué comme maladie mentale dans le DSM.

C’est alors que, en 1974, le psychiatre Robert Spitzer, enseignant à l’université Columbia, admirateur de la « bio-énergie » façon Wilhelm Reich, fut pressenti pour diriger la troisième révision du Manuel. Convaincu d’être le prophète d’une révolution neuronale de l’âme, il s’entoura de quatorze comités, composés chacun d’une multitude d’experts. Il effectua alors un retour spectaculaire vers le XIXe siècle, réintroduisant dans le Manuel la classification d’Emil Kraepelin (1856-1926), psychiatre allemand contemporain de Freud, ce qui lui permit de rétablir une analogie pourtant largement dépassée entre troubles mentaux et maladies organiques.

Entre 1980 (DSM-III) et 1987 (DSM-III-révisé), la folle équipe de Spitzer procéda à « un balayage athéorique » du phénomène psychique, substituant à la terminologie de Kraepelin celle des psychologues du conditionnement. Les concepts classiques de la psychiatrie furent alors bannis au profit de la seule notion de trouble (disorder), qui permit de faire entrer dans le Manuel 292 maladies imaginaires.

Dans le DSM-IV, publié en 1994, on en comptabilisait 350 et, pour le futur DSM-V, de nouveaux syndromes (rebaptisés « addictions ») seront ajoutés, tels que l’activité sexuelle libertine, l’apathie, l’amour de la gastronomie ou encore le plaisir de se promener pendant des heures sur Internet : « J’ai honte pour la psychiatrie, dira le psychiatre de renom Robert Waugh. S’il vous plaît, il y a assez de choses ridicules dans la psychiatrie pour ne pas offrir des motifs de moqueries supplémentaires. » Ce Manuel, dira un autre, est « un nouveau suspensoir de l’empereur ».

Après avoir lu ce récit, on se demande qui pourra faire barrage un jour à l’expansion de ces thèses aberrantes, comparables à celles du Docteur Knock, et qui ont pour objectif de faire entrer l’existence ordinaire des hommes dans des tableaux sombrement pathologiques, au prix d’oublier que les fous peuvent être vraiment fous.

Pour l’heure, rien ne permet de dire que la démonstration argumentée et convaincante de Christopher Lane puisse être entendue par les psychiatres soumis aux molécules, et qui continuent de croire aux vertus classificatoires de cet étrange Manuel.


COMMENT LA PSYCHIATRIE ET L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ONT MÉDICALISÉ NOS ÉMOTIONS (SHYNESS. HOW NORMAL BEHAVIOR BECAME A SICKNESS) de Christopher Lane. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par François Boisivon. Flammarion, 384 p., 26 €.

Mobilisation des médecins américains contre la propagande du DSM

La mobilisation des médecins aux USA croit contre la propagande promue par le DSM.

Les critiques pleuvent drues sur le DSM, le manuel de diagnostic statistique de psychiatrie. Celui-ci apparaît idéologique, infondé, conservateur, normatif et autoritaire, aux médecins américains.
Quand il ne provoque pas la ségrégation des hommes !

Autant de critiques sont-elles raisonnables ?

C’est ce que Christopher Lane affirme depuis des années. En effet, comment ne pas rire des « innovations cliniques » du DSM, autant de concepts dignes de Tartuffe : la « dérégulation de la colère », « le désordre dysphorique prémenstruel » ou encore, le désormais fameux « désordre hypersexuel » !

Lane nous informe que le manuel est tellement scientifique qu’il vient de payer une société de marketing (GYMR) pour améliorer son image désastreuse dans l’opinion des médecins américains. Lane dénonce les mensonges « scientifiques » diffusés lors de la campagne de cette société.

Une pétition contre le DSM est lancée. A signer par tous ceux qui combattent cette propagande coûteuse.

Lane C. : « If you find the PR marketing of DSM-5 distasteful, even disturbing, given such widespread concern about the likely inclusion of “temper dysregulation,” “premenstrual dysphoric disorder” and (in the appendix to the manual) of “hypersexual disorder,” then you’ve just under two weeks to let the APA know. You can, for starters, sign the petition here: ipetitions.com », http://www.psychologytoday.com/blog/side-effects/201206/the-apa-s-pr-problem

La psychiatrie n’existe pas ! Jean Oury

« La psychiatrie n’existe pas ! (….) Il n’y a pas la psychanalyse comme ça, dans un casier, la neurologie dans un autre casier, la médecine dans un autre…. c’est pas vrai ! Quand on voit quelqu’un, c’est tout ça à la fois ! »

Jean Oury, citéphilo 2011, Psychiatrie et résistance, « La psychiatrie n’existe pas ! »

Et aussi : « Lacan, il faut le connaître par cœur. C’est comme le guide Michelin quand on veut voyager ! Pour pas se tromper ! C’est pas plus compliqué qu’on croit « .

Psychanalyse et psychiatrie, 12 ème colloque de l’Aleph, samedi 26 mars 2011, Skena Euralille à Lille

12e Colloque de l\\\'ALEPH

12ème colloque de l’ALEPH
samedi 26 mars 2011
Psychanalyse et psychiatrie

Le lien de la psychanalyse avec la psychiatrie relève d’abord de la nécessité d’une coopération thérapeutique. Dans certaines situations cliniques — angoisses aigües, délires qui mettent en jeu la vie du patient ou d’autrui, anorexies graves… —, le psychanalyste doit évidemment associer un(e) psychiatre à la cure psychanalytique qui ne pourrait pas venir, seule, à bout de telles crises. Les thérapies psychanalytiques exigent parfois un soutien pharmacologique. Inversement, des psychiatres adressent à des psychanalystes des malades qui sortent de l’hôpital pour qu’ils puissent leur parler régulièrement de leurs problèmes.Mais la psychanalyse et la psychiatrie communiquent aussi au niveau du savoir
clinique et théorique. Au cours de l’histoire, depuis la découverte de l’inconscient par Freud, de nombreuses passerelles ont été jetées de l’une à l’autre. Freud n’a pas toujours séparé de façon stricte les névroses d’avec les psychoses, englobant d’abord ces deux structures cliniques sous le terme de « psychonévroses ». Il savait pourtant établir de fins diagnostics différentiels pour les délimiter. En lisant, autour des années 1910, les Mémoires d’un névropathe du Président Daniel Paul Schreber, Freud se penche sur le cas d’un malade qui a passé une grande partie de sa vie dans des hôpitaux psychiatriques. Se laissant instruire par le système paraphrénique de Schreber et par son transfert délirant sur son psychiatre, le professeur Flechsig, il élucide la pensée psychotique grâce à ses propres concepts : notamment la libido et le narcissisme. Dès 1905, Freud commença à correspondre régulièrement avec les psychiatres du Burghölzli, près de Zürich (Eugen Bleuler, Carl Gustav Jung, Karl Abraham, Max Eitingon, Ludwig Binswanger). Échanges fertiles mais chargés aussi de conflits et d’ambivalence, voire d’incompréhension
réciproque. Paul Schilder, un psychiatre et psychanalyste autrichien, a contribué aux deux disciplines. Très tôt, son travail sur l’image du corps a obtenu la reconnaissance de ses pairs. En France aussi, psychiatres et psychanalystes étaient compagnons de route. Ainsi l’émulation entre Jacques Lacan et Henri Ey, deux fleurons de la psychiatrie française, a-t-elle favorisé leurs productions scientifiques respectives. Et quand François Tosquelles, condamné à mort par le régime de Franco, s’enfuit en France pour s’installer à l’hôpital de Saint-Alban en Lozère et y fonder la psychiatrie institutionnelle, il a dans ses bagages la thèse de Jacques Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité.Les temps ont changé. D’une part, la psychiatrie, en cherchant ses assises dans la biologie et dans les recherches sur le cerveau, s’éloigne de cette pratique de la parole que doit rester la cure inventée par Freud, même si un certain nombre d’analystes s’évertuent aujourd’hui à fonder une « neuro-psychanalyse », se référant, non sans raison, aux travaux pré-analytiques de Freud sur le système nerveux. Rivalisant avec l’analyse au niveau de la thérapie, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) reprochent à la cure
psychanalytique sa longue durée et prétendent obtenir des résultats rapides. Mais à quel prix ? On peut s’interroger sur ces méthodes qui passent par l’écrasement du symptôme au détriment du sujet.

Malgré les tensions qui résultent de la désaffection, voire de l’hostilité vis à vis de la psychanalyse dont témoignent ces courants psychiatriques, les psychanalystes ouverts aux changements dans le monde restent solidaires d’une psychiatrie qui respecte le sujet et le lien social qu’implique le discours psychanalytique. Ils s’entendent évidemment avec les psychiatres qui s’orientent encore sur ce qu’apporte la psychanalyse ainsi qu’avec les représentants d’une psychiatrie humaniste et sociale. Mais ils apprécient également les représentants de la psychiatrie « biologiste » qui s’investissent dans leur recherche scientifique sans pour autant forclore le sujet ni sa parole.

L’heure n’est ni aux rivalités imaginaires ni aux luttes pour la pureté analytique. Si les psychanalystes de l’ALEPH sont toujours attachés au principe de la psychanalyse profane, formulé par Freud en 1926, ils ne se font aucune illusion quant à la possibilité de le maintenir comme auparavant. Qui nierait le pouvoir de la psychiatrie dans la Cité ? Force est pourtant de constater que l’analyse n’est pas non plus dépourvue d’une autre sorte de pouvoir. Il lui est légué non pas par l’autorité politique mais par la grâce du transfert, critique de la suggestion, par la force performative de la parole, et par la puissance explicative de sa théorie.

Responsables de la santé mentale, dorénavant investie d’un pouvoir renouvelé par les autorités gouvernementales, les psychiatres sont pourtant loin d’être d’accord avec la législation actuelle sur les malades mentaux et se sentent déstabilisés par le poids décisionnel donné à l’administration de l’hôpital. Ils savent que tout chercheur qui affronte la question du sujet sera toujours suspect aux yeux d’un pouvoir tenté par la manipulation des foules. Voilà pourquoi la psychanalyse et la psychiatrie auraient intérêt à renouer rapidement le dialogue.

Pour le 12ème colloque de l’ALEPH, nous proposons un tel dialogue. Nous parlerons des liens entre la psychanalyse et la psychiatrie au niveau de notre expérience quotidienne, de même que dans la théorie et dans leurs histoires respectives. Nous exposerons les résultats acquis dans nos rencontres avec des malades dans les services hospitaliers, notamment ceux issus des présentations cliniques. Et nous inviterons des psychiatres de différents courants de pensée à échanger avec nous, dans un but tant thérapeutique qu’épistémologique.

Franz Kaltenbeck

« Un monde sans fou ? » ou les dérives de la psychiatrie, projection du film le 12 février 2011, à Lille

Avant le 12ème colloque de l’ALEPH, « Psychanalyse et psychiatrie », samedi 26 mars 2011, de 9 h à 18 h 30
Projection du film « Un monde sans fou? », documentaire réalisé par Philippe Borrel,
Samedi 12 février, de 14 h à 16 h 30, Skena Euralille, Lille

PAF : 8 e.(TR : 5 e.)

Renseignements : www.aleph.asso.fr

Le documentaire s’ouvre sur une tombe, celle d’un homme de 42 ans mort dans la rue, faute d’avoir trouvé un lieu où vivre sa schizophrénie. Une entrée violente pour parler de la folie et des failles de la prise en charge.

Pourquoi tant de grands malades échappent-ils au soin, au point qu’on les retrouve massivement dans la rue ou en prison ? Aujourd’hui, les hôpitaux psychiatriques, confrontés à une crise de moyens et de valeurs, peinent à prendre en charge les malades au long cours. Parallèlement, une nouvelle politique de santé mentale se prépare en Europe et nous concerne tous. Demain, on ne parlera plus de folie, mais de troubles cérébraux, plus de malaise dans la société, mais de comportements à rééduquer.

Comment en est-on arrivé là ? La psychiatrie est-elle une discipline normative ou humaniste ? Peut-on traiter la maladie mentale comme toute autre pathologie?

Quelles politiques médicale, sociale, judiciaire et économique sont à l’œuvre dans cette exclusion : un monde sans fous, mais alors, que deviendront-ils ?

Ces questions, qu’aborde de front ce document, seront ensuite reprises lors du débat qui suivra la projection.

Est-il encore possible d’arrêter la destruction de la psychiatrie ?

Bernard Durand, président de la Fédération d’aide à la santé mentale Croix Marine (une association composée surtout de l’entourage de personnes qui ont été hospitalisée en psychiatrie), réagit dans un article sur Médiapart (rubrique « les invités »), au reportage diffusé sur France 2, dans l’émission «Les infiltrés», et tourné dans un service hospitalier de la région parisienne.

Le contexte de cette prise de position est le suivant : la destruction de la psychiatrie depuis vingt ans, aggravée par le gouvernement avec Sarkozy et Bachelot. Pour le comprendre, il faut lire l’article de Patrick Coupechoux dans Le Monde Diplomatique.

Voir l’émission des infiltrés sur France 2

Je vous retranscris des extraits des deux articles de Durand et Coupechoux ci-dessous :

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Bernard Durand, président de la Fédération d’aide à la santé mentale Croix Marine, réagit au reportage diffusé mardi soir sur France 2 dans l’émission «Les infiltrés», et tourné dans un service hospitalier de la région parisienne. Les invités de Médiapart, 20 05 2010

Le reportage sur un service de psychiatrie de la banlieue parisienne réalisé dans l’émission de France 2 «Les Infiltrés» suscite un malaise certain. Difficile pour un psychiatre qui a consacré sa vie professionnelle à rendre au malade mental sa dignité et à faire en sorte que l’asile de ses débuts soit définitivement révolu, d’être confronté à un tel document. Et que dire pour les patients eux-mêmes et leurs proches qui constatent qu’en 2010, on peut encore traiter un malade d’une manière aussi inhumaine, ce qui ne peut que les dissuader de recourir à la psychiatrie ?

Si le parti pris du journaliste infiltré était de dénoncer, ce qui constitue un biais certain pour rendre compte d’un quotidien –car je suis persuadé qu’il aurait pu filmer d’autres occurrences dans le même service qui auraient montré des gestes très différents, d’attention, voire de tendresse– il n’en reste pas moins que ce qui nous est montré là est inacceptable et intolérable. Mais avant de jeter la pierre à quiconque, il faut s’interroger ensemble sur le pourquoi de cette démission collective qui nous rend tous responsables de tels excès. Pourquoi la pathologie mentale, la folie reste-t-elle l’objet de tant de préjugés, de la part des médecins, des politiques ou de l’opinion publique façonnée par une presse et des écrans qui préfèrent l’émotion à l’analyse de la réalité ?

Devant un tel désastre, il est temps de rappeler un certain nombre d’évidences et d’ouvrir des perspectives.

La première évidence concerne l’objet même de la psychiatrie. Un des plus grands psychiatres du 20ème siècle, Henri Ey, disait que le malade mental était avant tout un homme entravé dans sa liberté, diminué dans l’exercice de son activité proprement humaine de coexistence par une désorganisation de son être et qu’il ne pouvait se réduire à l’image de l’aliéné. C’était affirmer qu’une approche de la folie construite sur des références strictement médicales ne suffit pas : il est indispensable de prendre en compte une dimension anthropologique qui manque cruellement, lorsque le savoir psychiatrique devient de plus en plus celui des molécules susceptibles d’éradiquer ce que le DSM (1) appelle «des troubles», définis selon de soi-disant normes.

La psychiatrie n’est pas une science, mais une forme d’exercice de la médecine qui doit s’appuyer sur de nombreuses références, médicales, neurologiques, génétiques et si les avancées des neurosciences permettent de mieux comprendre certains aspects de la vie mentale qui déboucheront tôt ou tard sur des traitements plus efficaces et peut-être mieux tolérés, vouloir réduire le psychisme au cerveau, ce que ne font pas les neurobiologistes eux-mêmes, constitue une erreur dramatique et aussi ridicule que d’aborder un tableau de Léonard de Vinci ou de Van Gogh en ne considérant que le type de pigments utilisés. Les sciences humaines, psychologiques et sociales sont tout aussi nécessaires et l’on commence à voir la régression humaine qu’implique un modèle où l’homme, réduit à son comportement, devient objet d’observation qu’il s’agit d’objectiver et de classer afin de réduire son trouble, sans même prendre le temps d’écouter sa souffrance et de comprendre le contexte dans lequel celle-ci est devenue manifeste.

La seconde évidence est qu’en psychiatrie le plateau technique, comme l’on dit dans les hôpitaux, est constitué avant tout d’individus, qu’ils soient médecins, infirmiers, psychologues, rééducateurs. Le soin psychique implique de prendre en compte la question du sujet et ne peut faire l’économie de la rencontre intersubjective. On ne progressera dans la qualité des soins en psychiatrie que par l’octroi des moyens humains nécessaires, cela doit être répété, et de ce point de vue, on doit accepter qu’il s’agisse d’une discipline coûteuse, comme les disciplines médicales les plus pointues le sont par ailleurs, du fait de matériels sophistiqués.

Mais le nombre ne suffit pas. Encore faut-il que l’on dispose de personnels correctement formés: cela est vrai pour les psychiatres qui ont tout autant besoin de connaissances médicales confirmées que d’une formation en sciences humaines et sociales, cela est également vrai pour les personnels infirmiers qui sont mis en face de malades dont on a à peine évoqué l’existence durant leur cursus de formation. Il faut des mois et des années pour savoir repérer des signes d’angoisse de dépersonnalisation, trouver les gestes qui enserrent et rassurent, disposer des mots qui soulagent cette angoisse. Aujourd’hui, cette clinique de la relation au quotidien n’est plus le fait que de certains vieux infirmiers qui partent tous à la retraite sans que leur soient donnés les moyens de la transmission. Les professionnels récemment formés sont démunis et vivent dans la crainte d’une violence qu’ils redoutent, leur propre inquiétude n’ayant pour effet que de faciliter la montée de l’angoisse chez les patients qui prélude aux réactions agressives et violentes. Ce véritable cercle vicieux conduit au fait que l’on n’a jamais autant utilisé les prescriptions de contention et les chambres d’isolement qu’aujourd’hui.

Il y a urgence à reconsidérer la formation des soignants de la psychiatrie: en chirurgie, on ne met pas dans les salles d’opération des infirmiers fraîchement émoulus de l’école, mais on exige d’eux une formation spécialisée supplémentaire; il est indispensable de l’exiger de ceux qui travaillent dans la pathologie du lien humain.

La formation permanente aurait pu répondre pour une part à ces besoins mais faute de remplaçants, les directions des soins des établissements refusent souvent les formations demandées. Et, osons le dire, les crédits de formation sont utilisés de manière prioritaire pour ce qu’on appelle la «démarche qualité», afin d’être conforme lors des visites de certification de la HAS (2). Cette démarche qualité, qui n’a plus aujourd’hui pour objectif que de tendre vers le risque zéro, est malheureusement devenue une caricature qui produit en fait conformisme, déresponsabilisation et désinvestissement professionnel. L’ensemble des procédures obligées et des protocoles consomment des tonnes de papiers et des centaines d’heures de soignants qui sont de plus en plus immobilisés devant des écrans à rendre compte de ce qu’ils sont censés faire, à défaut d’avoir le temps de le faire.

La sécurité est indispensable en psychiatrie, non pas simplement la seule sécurité opposée à une menace potentielle comme la ressentent de plus en plus de jeunes soignants, mais la sécurité interne que donne le fait de travailler dans de vraies équipes où l’on peut échanger à la fois sur les patients et le vécu des équipes face aux réactions suscitées par la pathologie mentale, une vraie sécurité qui permet de prendre le risque d’une relation à l’autre si différent et pourtant si proche si l’on prend le temps de l’écouter.

Una autre évidence à considérer en psychiatrie, c’est que si le temps de l’hospitalisation doit être aussi limité que possible, il ne peut se calquer, là aussi, sur le temps de la médecine somatique. Une des conditions pour que les soins soient opérants est qu’une relation de confiance se construise avec le patient, en particulier lorsqu’il s’agit de quelqu’un réputé schizophrène. L’alliance thérapeutique demande du temps, de la disponibilité et de la constance et ne vient qu’après le temps du déni initial et de l’ambivalence qui conduit à tenter d’interrompre les soins à peine engagés, et ce d’autant plus qu’une relation de confiance et des liens transférentiels ne sont pas encore vraiment solides.

Il n’est pas acceptable de faire sortir des patients dont on sait que le temps des soins ambulatoires n’est pas encore de mise, simplement parce qu’il y a «plus malade» que lui à admettre dans le service. Cela conduit au mieux à des hospitalisations répétées, au pire à des tragédies qui viendront nourrir la quête obsessionnelle de la sécurité. Et la semaine suivante, lorsque ce patient reviendra, il s’agira administrativement d’une autre hospitalisation: les gestionnaires seront contents et l’on pourra proclamer partout que la durée moyenne de séjour a diminué en psychiatrie (les belles économies!) et qu’il y a de plus en plus de patients suivis.

Le reportage de France 2 met dramatiquement en évidence l’absence de prise en compte de la dimension institutionnelle dans le travail de prise en charge des patients. Nos aînés, avant même l’apparition des neuroleptiques, avaient compris que l’on pouvait changer l’ambiance dans l’asile de l’époque, en utilisant les ressources collectives des soignants et des patients eux-mêmes, grâce à l’organisation d’activités et d’espaces de parole partagés. Aujourd’hui, c’est le Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui dénonce le fait que les patients sont confrontés à l’ennui du fait de l’insuffisance des activités proposées et qu’ils n’ont d’autre opportunité que de rester, des journées entières, passifs devant la télévision. Ce travail d’animation et d’attention aux petites choses du quotidien était constitutif de la démarche thérapeutique: on parlait alors de psychothérapie institutionnelle, dimension essentielle sur laquelle la plupart des universitaires de psychiatrie ont fait l’impasse, au bénéfice de protocoles standardisés qui permettent de limiter au maximum le travail de pensée et la confrontation à la réalité clinique.

Enfin, il faut rappeler que le temps d’hospitalisation ne prend son sens que par rapport à un projet de soins qui s’inscrit dans une continuité de prise en charge. La France avait construit un dispositif qui a été longtemps considéré comme un modèle à l’étranger: celui-ci organisait la proximité et la continuité des soins sur un territoire à dimension humaine appelé secteur. Certes, cette politique de sectorisation a été inégalement mise en œuvre et a souvent pâti de la culture des soignants issus de l’asile, qui avaient une propension à vouloir tout gérer de la vie des patients. Cela a conduit les équipes de secteur à ignorer trop souvent les autres acteurs présents dans la cité, au premier chef les familles, mises fréquemment à l’écart, les médecins généralistes, les travailleurs sociaux, les acteurs associatifs.

Il est nécessaire de repenser cette pratique de secteur à l’aune des nouveaux territoires de santé prévus dans la loi HPST (3) et de la loi de février 2005 qui a reconnu que les personnes présentant des troubles psychiques au long cours avaient également le droit de bénéficier des compensations que notre société reconnaît aux personnes en situation de handicap. Cette dernière a permis des avancées comme cette innovation fantastique des groupes d’entraide mutuelle (GEM) qui sont des espaces d’accueil et de construction de liens sociaux, gérés par les usagers eux-mêmes en dehors du regard des soignants (ce dont doutent encore certains d’entre eux).

Le «plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008» avait commencé à décloisonner la psychiatrie et le dispositif médico-social, trop souvent ignoré, voire disqualifié par les tenants d’une psychiatrie exclusive. Nous attendions une grande loi d’orientation permettant de fixer des grands objectifs pour la psychiatrie et ses partenaires dans le contexte de restructuration de l’ensemble de la santé lié à la loi HPST. Le rapport confié à Edouard Couty, ancien directeur de l’Hospitalisation et de l’Organisation des soins au ministère de la santé, pouvait constituer, malgré certaines ambiguÏtés et maladresses, une base de départ sur laquelle élaborer une telle loi.

Or, que voyons-nous depuis dix-huit mois ? La mise en œuvre du discours du Président de la République à Antony qui, à partir d’événements dramatiques, a produit un amalgame entre un petit nombre de personnes effectivement dangereuses et les 600.000 patients soignés pour schizophrénie dans notre pays, dont un grand nombre est en situation de fragilité croissante. Ils sont de fait encore plus stigmatisés et leur accueil dans les hôpitaux se ressent des grillages et des murs que l’on a renforcés, des portes que l’on a refermées, des procédures de contention que l’on a généralisées. Est-ce vraiment cela que veut notre société pour ces centaines de milliers de patients qui sont aussi nos semblables, souvent les plus vulnérables et les plus démunis d’entre nous?

Il n’est question pour l’instant que de la réforme de la loi de 1990 sur l’internement. On veut remplacer l’hospitalisation sous contrainte par la notion d’obligation de soins, y compris en ambulatoire. Si une telle proposition peut paraître de prime abord séduisante, voire progressiste, on n’a pas suffisamment perçu les effets pervers qui risquent d’en résulter dans une société dont on ne cesse d’instrumentaliser la peur. Nous pointions plus haut qu’il fallait du temps pour construire le lien de confiance indispensable aux soins. Or, si les mouvements négatifs du patient se traduisent par un signalement du psychiatre aux autorités qui pourront exiger du patient qu’il se soigne, nous ne sommes plus dans une logique de soins, mais dans celle d’un contrôle social et la place même des soignants s’en trouve radicalement interrogée. On peut comprendre que les représentants des familles, qui ne souhaitent pas que leur proche puisse être traité comme nous l’a montré ce reportage, envisagent favorablement ces soins sous contrainte en ambulatoire. Mais ils n’ont pas pris la mesure des effets pervers qui risquent d’en résulter et comment le temps essentiel dans l’engagement des soins n’est pas la contrainte (même si l’on ne peut parfois l’éviter), mais la possibilité de permettre une rencontre entre celui qui est consumé par le désespoir, la perte de son identité ou la peur des autres et un soignant capable de l’écouter dans son malheur.

Sommes-nous encore capable de comprendre que le sort que nous réservons à ceux que l’on appelait naguère aliénés est le reflet de notre malaise social et que la violence dont nous avons eu un écho dans ce film est en fait l’affaire du groupe social tout entier ? Aujourd’hui, heureusement, les usagers ont pris la parole et c’est avec eux que nous devons refuser cette régression. Comme le disait Georges Daumézon, qui fut après guerre un des pionniers de la révolution psychiatrique que nous sommes hélas en train de liquider, le médecin peut combattre la maladie, seule la société peut combattre l’aliénation.

(1) Diagnostic and Statistical Manual, classification nosographique nord-américaine fondée sur la description des symptômes et des comportements.

(2) Haute Autorité de Santé.

(3) Hôpital, Patients, Santé et Territoires.

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Patrick Coupechoux, journaliste, Le monde diplomatique, décembre 2009

La France stigmatise les malades mentaux

Traitement sécuritaire de la folie

La castration physique pour un violeur ? Pourquoi pas, a répondu la ministre de la justice Michèle Alliot-Marie, lors d’un débat parlementaire. Cette conception antique du droit (œil pour œil, dent pour dent) rejoint, dans un autre domaine, celle de la psychiatrie ramenée, au fil des réformes, plusieurs décennies en arrière. Les changements entrepris par M. Nicolas Sarkozy font de tout malade mental un individu dangereux dont la société doit se protéger — et non un être humain qui doit être soigné.

Le jour du 2 décembre 2008 pourrait faire date dans l’histoire de la psychiatrie française. Non parce que ce jour-là, pour la première fois, un président de la République en exercice s’est rendu dans un hôpital psychiatrique — celui d’Antony, en région parisienne —, mais en raison de la teneur du discours de M. Nicolas Sarkozy. Jamais probablement, depuis la Libération, le plus haut personnage de l’Etat n’avait à ce point stigmatisé la maladie mentale. Pour lui, aucun doute : les fous sont avant tout dangereux. Pour s’en convaincre, il suffit de l’écouter. Par exemple :« Votre travail comporte de grandes satisfactions (…). Mais il y a aussi l’agressivité [c’est nous qui soulignons], la violence, les réadmissions fréquentes de tous ces patients dont vous vous demandez si la place est bien ici [sic]. » Mais aussi : « L’espérance, parfois ténue, d’un retour à la vie normale (…), ne peut pas primer en toutes circonstances sur la protection de nos concitoyens. » Ou encore : « Je comprends parfaitement que le malade est une personne dans toute sa dignité. (…) Des malades en prison, c’est un scandale. Mais des gens dangereux dans la rue, c’est un scandale aussi. » Il faut noter, pour goûter pleinement la saveur de tels propos, que tous les experts s’accordent aujourd’hui pour dire qu’en France 30 % des sans-domicile fixe (SDF) sont des psychotiques, c’est-à-dire d’authentiques malades mentaux qui ont été abandonnés et qui meurent sur les trottoirs de nos villes.

Le président précise encore sa pensée : « Il va falloir faire évoluer une partie de l’hôpital psychiatrique pour tenir compte de cette trilogie : la prison, la rue, l’hôpital, et trouver le bon équilibre et le bon compromis. »C’est donc clair : il faut banaliser l’horreur — des fous dans la rue ou en prison — et considérer que la maladie mentale, aujourd’hui, représente avant tout un problème sécuritaire. Ainsi les fous, après les pédophiles et les terroristes, sont-ils livrés à la vindicte d’une population effrayée. Faut-il rappeler quelques évidences ? D’abord, si l’on compare les statistiques, les fous commettent moins de crimes que la population générale (1). Ensuite, lorsqu’il y a crime ou délit, c’est bien souvent parce qu’il y a eu rupture de soin. La psychiatrie n’a donc pas besoin de vigiles, mais de soignants compétents. Enfin, les malades mentaux sont victimes de l’indifférence, de la stigmatisation, de la violence, de l’abandon, et ils ont une espérance de vie plus courte que les gens « normaux ». M. Sarkozy a ce talent de transformer des victimes en coupables désignés…

Forces de l’ordre et infirmières

Son discours a d’ailleurs été prononcé quelques jours après le meurtre d’un jeune homme par un schizophrène à Grenoble. En bon communicant, le président surfe sur l’émotion pour faire admettre sa politique. Car la visite à Antony a été pour lui l’occasion de présenter toute une série de mesures. Il a ainsi annoncé la mise en œuvre d’un plan de sécurisation des hôpitaux psychiatrique auquel l’Etat va consacrer 30 millions d’euros. « Il s’agira, explique-t-il, de mieux contrôler les entrées et les sorties des établissements, de prévenir les fugues. » Des dispositifs de géolocalisation vont être appliqués aux patients hospitalisés sans leur consentement, afin de déclencher automatiquement une alerte au cas où ils s’enfuiraient. Des unités fermées, équipées de caméras de surveillance, seront installées « dans chaque établissement qui le nécessite » ; deux cents chambres d’isolement seront également aménagées. L’Etat va enfin investir 40 millions d’euros pour la création de quatre unités pour malades difficiles (UMD), c’est-à-dire des lieux fermés, venant s’ajouter aux cinq existant aujourd’hui.

Le président a également annoncé la présentation prochaine d’un projet de loi sur l’hospitalisation d’office. Au passage, il cite un chiffre faux : les placements d’office représenteraient 13 % des hospitalisations ; en fait, il s’agit des hospitalisations sans consentement du patient, la plupart du temps des HDT (hospitalisations à la demande d’un tiers, en général la famille). Les hospitalisations d’office (HO), décidées par la préfecture, qui interviennent lorsque l’ordre public est menacé — ce qui n’est tout de même pas identique —, ne représentaient, selon une circulaire d’avril 2008 du ministère de la santé, que 2 % des hospitalisations ; c’est sans doute trop peu pour M. Sarkozy. Celui-ci demande expressément que figure dans cette loi une obligation de soin. Cette mesure touche à une liberté fondamentale : on imagine les équipes infirmières, accompagnées des forces de l’ordre, venir faire une injection à un malade récalcitrant… Le soin suppose la confiance du patient ; sans quoi, comme le souligne le psychiatre Guy Baillon, tout pousse celui-ci « à comprendre que la société qui l’entoure lui est hostile (2) ».M. Sarkozy avoue connaître le principe : nul ne peut être soigné sans son consentement ; « encore faut-il,précise-t-il, que ce consentement soit lucide ». Comme les fous — citoyens de seconde zone — ne le sont pas, il envoie le principe au diable…

Les sorties des patients seront désormais encadrées et soumises à trois avis : celui du psychiatre et du cadre infirmier qui suivent le malade, et celui d’un psychiatre extérieur. Mais ils ne seront là que pour donner un avis : le préfet en personne prendra la décision. Pourquoi ? Parce qu’il est le « représentant de l’Etat », répond M. Sarkozy. On ne saurait mieux dire que les aspects sécuritaires seront désormais les seuls pris en compte. Dès lors, on ne considère plus les psychiatres que comme des experts à qui l’on demande une opinion que l’on n’est pas tenu de suivre. Les décisionnaires sont, dans le domaine public, le préfet, et, à l’hôpital, le directeur-manager, qui devra devenir le « vrai patron », celui qui « prend les décisions ». Inutile de préciser que ces « managers » ne connaissent rien à la maladie mentale. Ils ne sont là que pour gérer — rechercher les économies, imposer d’absurdes systèmes d’évaluation —, faire respecter l’ordre et garantir la sécurité. Enfin, M. Sarkozy revient à une idée qu’il avait déjà exprimée lorsqu’il était ministre de l’intérieur (3) : celle de créer un fichier national des patients hospitalisés d’office.

Ce discours a suscité une levée de boucliers parmi les soignants. En quelques semaines, une pétition, intitulée « La nuit sécuritaire », a été signée par plus de vingt mille d’entre eux ; le 7 février 2009, à Montreuil, en banlieue parisienne, un meeting a réuni près de deux mille personnes. Du jamais-vu.

Les propos d’Antony n’ont pourtant pas éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel serein : ils ne sont que la brutale accélération d’un processus à l’œuvre depuis vingt-cinq ans. Pour mieux le comprendre, il faut s’attarder quelques instants sur ce qui s’est passé en France depuis la Libération. Au sein de la Résistance est né le mouvement « désaliéniste », qui a voulu en finir avec l’asile dans lequel on enfermait les gens, parfois leur vie durant ; un mouvement qui a réaffirmé avec force une idée déjà exprimée au temps de la Révolution française par Philippe Pinel, le fondateur de la psychiatrie française : celle de l’humanité de la folie (4). En d’autres termes, si les fous sont des êtres humains, il faut leur permettre de vivre parmi les hommes, tels qu’ils sont, y compris en affirmant leur droit à la folie. Mais il ne suffit pas, pour cela, de faire tomber les murs de l’asile — la folie fait peur, et les fous peuvent être laissés à l’abandon, on le voit aujourd’hui ; il faut organiser ce retour « à la cité ».

Les tenants de la psychothérapie institutionnelle et du secteur (5) — qui ont été les principaux acteurs de cette révolution — ont ainsi inventé une nouvelle psychiatrie, avec une redéfinition du rôle du psychiatre, non plus « personnage médical (6) », mais « animateur de pointe (7) »d’une équipe chargée de faire le lien entre les patients et la société. « Nous allons utiliser le potentiel soignant du peuple », disait Lucien Bonnafé, l’un de ces psychiatres de la Libération (8). Ils ont redéfini le statut de soignant : tout le monde peut l’être, y compris les autres patients. Cela suppose la fin du rôle central de l’hôpital, et surtout la continuité des soins ; autrement dit, l’équipe doit s’occuper du patient en permanence, c’est-à-dire nouer le lien avec lui et le maintenir, dans et hors de l’hôpital, durant toute sa vie. Et tout cela doit être organisé sur un secteur géographique : « Comme il y a une école publique dans chaque quartier,disait Jean Ayme, l’un des animateurs de ce mouvement, il y a une équipe médico-sociale par secteur(9). »

Une vision scientiste dominante

Il faut le dire avec force : cette psychiatrie, fondée sur la prise en compte du sujet, fonctionne et fait tous les jours ses preuves, même si elle doit sans cesse être interrogée et réinventée. La « crise » actuelle vient de l’impossibilité que l’on fait à cette psychiatrie-là d’exister. C’est avec elle que M. Sarkozy, comme ses prédécesseurs, veut en finir. D’abord parce que, dans l’esprit du néolibéralisme dominant, la folie est quelque chose qu’il faut neutraliser — c’est le sens des mesures proposées — et gérer, au coût le plus bas possible : les dépenses en psychiatrie sont, dans cet esprit, des dépenses inutiles faites pour des gens inutiles. D’où la rage des évaluations (10), des certifications en tout genre, les tarifications à l’acte, que l’on impose de plus en plus aux soignants. Ensuite, parce que le système a d’autres priorités, en particulier celle de faire face au phénomène massif de la souffrance psychique. Pour que le psychiatre accepte de s’occuper de la mère de famille déprimée ou du cadre suicidaire, il a fallu en finir avec la folie, qui est aujourd’hui niée, et passer de la « psychiatrie à la santé mentale ». Le psychotique est désormais sur le même plan que le névrosé ordinaire.

Enfin, nous assistons au triomphe de la raison froide et calculatrice ; pas la raison des philosophes, mais celle des comptables et des technocrates. Le fou n’est plus un sujet unique avec qui il faut nouer une vraie relation, mais un cerveau malade qu’il faut « scanner », un patrimoine génétique qu’il faut décrypter, une succession de troubles du comportement et une série de symptômes qu’il faut éradiquer pour revenir au plus vite à la norme. Cette vision scientiste, qui s’exprime notamment dans la biopsychiatrie dominante, permet aujourd’hui l’exclusion. A quoi bon, en effet, dépenser de l’argent pour des gens alors qu’on se dit que c’est en pure perte ? La science se chargera un jour de régler le problème ; en attendant, il y a les médicaments qui anesthésient — ce qui ravit l’industrie pharmaceutique — et les thérapies comportementales qui redressent…

La folie n’a donc plus sa place dans notre monde, elle qui pourtant nous montre que la vie ne se résume pas aux chiffres et aux courbes, elle qui nous enseigne que les relations entre les hommes ne peuvent être uniquement contractuelles. Elle qui s’oppose, par la force des choses, à une conception de l’individu considéré comme un « homme économique » ou un « homme du marché », comme on voudra, consommateur et producteur, capable de s’adapter à un environnement instable, engagé non dans une relation humaine, mais dans des « transactions », jusque dans sa vie intime. « Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, disait François Tosquelles, c’est l’homme même qui disparaît (11). »

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(1) Selon Jean-Louis Senon, enseignant en criminologie, seulement 2 à 5 % des auteurs d’homicides et 1 à 4 % des auteurs d’actes de violence sexuelle sont atteints de troubles mentaux. Les malades mentaux sont dix-sept fois plus souvent victimes de crimes et de délits que le reste de la population (audition, le 16 janvier 2008, devant la commission sénatoriale chargée d’étudier le projet de loi relatif à la rétention de sûreté).

(2) Lettre ouverte dans le cadre du mouvement La nuit sécuritaire : www.collectifpsychiatrie.fr

(3) Lire « Même la folie a cessé d’être innocente », Le Monde diplomatique, juillet 2006.

(4) Pour Pinel subsistait en chaque fou une part de raison, d’où la possibilité, en s’adressant à celle-ci, de le soigner.

(5) Les deux courants désaliénistes sont nés dans la Résistance. Le premier, animé par François Tosquelles, insiste sur le fait qu’il faut « soigner l’institution » pour soigner le patient ; le second, animé par Lucien Bonnafé, imagine une organisation de la psychiatrie par quartier ou par « secteur ».

(6) Cf. Michel Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, Plon, Paris, 1961.

(7) Lucien Bonnafé, « Le personnage du psychiatre », dans Désaliéner ? Folie(s) et société(s), Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 1991.

(8) Recherches, n° 17, 1975.

(9) Jean Ayme, Chroniques de la psychiatrie publique, Eres, Toulouse, 1995.

(10) « Un sourire (pas le sourire des hôtesses de l’air), c’est très important en psychiatrie, dit Jean Oury, le fondateur de la clinique de La Borde, à Cour-Cheverny, mais un sourire, cela peut-il s’évaluer ? »

(11) Le Vécu de la fin du monde dans la folie, Editions de l’Arefppi, Nantes, 1986.


« Le pamphlet contre S. Freud et la psychanalyse, une nouvelle imposture ! »

Attention : j’ai reçu ce communiqué par mail car je suis abonné à la liste de diffusion du Collectif des 39 et que j’ai signé sa pétition, mais, à ma grande surprise, je ne parviens par à retrouver ce communiqué sur le site de la nuit sécuritaire….. Qu’en penser ? Doute, perplexité…..

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Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire
Communiqué

En tant que soignants (psychiatres, éducateurs, psychologues, infirmiers…), certains, psychanalystes, d’autres non, mais tous engagés dans un mouvement contre une psychiatrie sécuritaire, normative et hygiéniste, nous ne pouvons que nous insurger contre le propos récent de Michel Onfray.
Pierre Delion, qui fait partie des fondateurs de notre mouvement a su dire tout ce que nous devons à la fondation freudienne pour l’invention d’une pratique de psychothérapie institutionnelle, forgée dans la résistance au nazisme et à l’indifférence devant les 40000 malades mentaux morts de faim et d’abandon.
Ce qui compte pour nous c’est une politique de la folie et une éthique fondée sur une mise en acte d’un inconscient qu’il faut bien appeler freudien, ainsi qu’une méthode qu’il s’agit de réinventer sans cesse à partir d’une écoute et d’une « pratique de la folie » soutenant des soins psychiques relationnels.
A rebours de toute idolâtrie comme de tout dévoiement de la psychanalyse, la transmission d’une pratique de la psychiatrie en prise avec l’inconscient ne peut être qu’une refondation permanente d’un savoir clinique qui laisse aussi sa place aux savoirs, trouvailles et inventions de la psychose.
La pratique nous permet de vérifier chaque jour la pertinence d’une approche soignante qui accueille le délire comme tentative de guérison, et donne la possibilité au patient de s’ouvrir au monde en le reconstruisant.
Il est assez scandaleux que les attaques que nous subissons depuis ces vingt dernières années de la part des tenants de l’économie néolibérale, et qui visent à éradiquer la subversion d’un accueil de la parole folle, trouvent aujourd’hui un relais de la part de quelqu’un qui se prétend de notre bord et se présente sous le jour d’une posture pseudolibertaire. Se dévoile ainsi un discours prétendument démystificateur qui fait le jeu de la marée montante de tous les courants obscurantistes visant à faire taire le sujet, à le formater ou à l’enfermer.
Il nous semble donc essentiel de soutenir le socle fondateur de nos pratiques contre une prétention nihiliste à dire n’importe quoi au mépris de toute vérité historique. Cette imposture qui est un trait de notre époque est la même qui empêche la transmission et rejette notre engagement pour une psychiatrie orientée par l’hospitalité pour la folie.

Le 30 avril 2010,
Le collectif des 39

www.collectifpsychiatrie.fr

«Les malades vont être dans la peur du soignant», Chemla P.

Les psychiatres des hôpitaux publics désapprouvent le projet de loi sur le consentement aux soins pour les personnes « atteintes de maladie mentale ». En effet, le législateur passerait de « l’hospitalisation contrainte » aux « soins contraints ».

Patrick Chemla, psychiatre, dirige le secteur de psychiatrie de Reims. il est un des fondateurs du collectif « la Nuit sécuritaire », qui s’était constitué après le discours ultra-sécuritaire de Nicolas Sarkozy à l’hôpital psychiatrique d’Antony (Hauts-de-Seine), en décembre 2008. Il prend position contre le projet de Sarkozy.

Propos recueillis par Eric Favereau, Libération, 06 04 2010

Pourquoi êtesvous opposé à des soins obligatoires en ambulatoire, et ­plus généralement à la loi qui se prépare?

D’abord, il y a quelque chose de pervers dans l’esprit même de cette loi, avec une reprise sous-jacente du nécessaire dépérissement des hôpitaux psychiatriques. On nous présente cela sous un aspect séducteur : en clair, pour éviter les internements des patients, il suffit de donner des soins obligatoires.

Mais le gros morceau reste la conception de la folie et du soin que ce projet sous-tend._ La folie serait comme le diabète, une maladie purement biologique. Et il suffit de mettre tout le monde sous neuroleptique pour éradiquer la folie. Voilà une conception hygiéniste et erronée. Aujourd’hui, la quasi-totalité des psychotiques sont sous neuroleptique. On ne peut pas dire qu’ils soient guéris.

Et quid de la conception du soin ?

Si on a cette conception de la folie comme trouble biologique, le soin devient simpliste; il suffit de donner des neuroleptiques. Mais le problème, c’est que l’on se heurte à la folie. La folie résiste. On croit que la folie et son déni seraient solubles dans les neuroleptiques et dans l’application de la loi. C’est une folie sociale que de penser cela. Les malades vont être dans la peur du soignant, ils vont les fuir. C’est une rupture gravissime de toute notre pratique.

C’est-à-dire?

On oublie complètement que le délire est aussi une tentative de guérison. La folie n’est pas à réduire, elle est aussi source de savoirs, ce que nous ont appris Freud, Lacan et d’autres. Ce n’est pas seulement une maladie qu’il faut faire taire … Certes, mais que dites-vous aux familles et aux proches qui ne rencontrent aucune aide ?

C’est un problème réel. Mais ce n’est pas qu’un problème de moyens. 11 y a une démission des saignants depuis une vingtaine d’années: ils délaissent leurs fonctions et leurs engagements. Les ma­1ades sont souvent mal accueillis. Il y a réellement une faute de la société à ne pas répondre à ce désarroi des proches et des patients.

“L’esprit Malade. Cerveaux, folies, individus”, Pierre-Henri Castel

A paraitre début 2010, le dernier livre de Pierre-Henri Castel, “L’esprit malade. Cerveaux, folies, individus”, aux éditions d’Ithaque:

“Le formidable développement des neurosciences depuis les années 1980 présente un paradoxe, dont l’état actuel de la psychiatrie est particulièrement révélateur. Bien qu’on n’en ait jamais su autant sur le fonctionnement du cerveau, les avancées accomplies dans ce domaine n’ont permis d’éradiquer aucune des grandes pathologies men tales connues depuis deux siècles. En revanche, le style de rationalité exigible pour les décrire, les étudier et évaluer leur traitement s’est profondément transformé. La plupart des concepts psychologiques traditionnels ont été ou sont en cours de naturalisation: c’est en termes de neurobiologie et de biostatistiques que sont désormais jugés les états mentaux. L’esprit, c’est ce qui s’explique à partir du cerveau.

En abordant ici les modèles animaux de la folie, les hystéries modernes, la dépression, l’énigme des « fous criminels » ou celle de la conscience schizophrénique, l’auteur poursuit en réalité trois tâches. Il présente d’abord, sous leur jour le plus incisif, les mutations actuelles de quelques théories psychiatriques marquées par la domination conjointe des paradigmes neuroscientifique et évolutionniste. Il vise, ensuite, à dégager les présuppositions philosophiques ultimes de la naturalisation de la folie et des états psychiques morbides qui inspirent ces théories. Il interroge, enfin, les conditions anthropologiques du succès de l’«esprit-cerveau» en psychiatrie.

L’enjeu de ces essais, qui sont animés d’une intention constamment polémique, est de défendre une perspective holiste sur l’esprit, qui en dévoile la nature essentiellement sociale (l’esprit des représentations collectives, des règles sociales, des institutions, des formes de vie, etc.) sans pour autant épouser le relativisme historique. Il s’agit de mobiliser, outre des concepts, des objets concrets et exemplaires afin de montrer que le constructivisme social, largement inspiré par Michel Foucault, ne constitue pas la seule alternative à la naturalisation de l’esprit”.

Le site de Pierre-Henri Castel (directeur de recherches au CNRS et directeur du Centre de recherches Psychotropes, Santé mentale et Société, Université Paris Descartes) et des Editions d’Ithaque.

Les bracelets de Sarkozy: une alarme contre les passages à l’acte ?

Ecoutez ces témoignages des personnes se rendant à l’hôpital de jour de Reims, vous apprendrez ce qu’ils pensent des positions de Sarkozy sur la psychiatrie. Il s’agit de l’émission de radio Les pieds sur terre sur France culture, du 09 février 2009.

Vous pouvez l’écouter en cliquant plus bas dans le post.

Un patient : « Je ne suis pas dangereux. Je voudrais que ceux qui m’écoutent et qui reconnaissent ma voix, me regardent autrement ».

Sarkozy : « Certains patients hospitalisés sans consentement seront équipé d’un système de signalement électronique qui, si cela se produit, déclenchera une alerte ».

Comme si un programme électronique, le summum de la modernité, la pointe de la science, pouvait « détecter » la plus infime pensée intime des personnes qui seront amenées à porter ces bracelets.

Vous connaissez le film de science fiction Minority report, un policier intervient avant même que le meurtrier sache qu’il va commettre son meurtre. Mais justement, c’est de la science fiction. C’est absolument impossible.

Et pour de multiples raisons.

L’acte se produit à l’extérieur du sujet, en tant que tel, il ne s’inscrit pas dans la pensée au moment où il se produit. Il ne révèle ses effets qu’après-coup. Ses conséquences ne se calculent pas. Le rêve d’un tel bracelet consiste à croire en la possibilité d’un acte prévisible. Avec son histoire de bracelet, Sarkozy veut donner une consistance à ce rêve.

Un bracelet électronique ne mesure ne l’acte, ni la pensée. C’est une sorte de GPS qui permet, à tout casser, de localiser l’endroit où se trouve le bracelet et d’en déduire les mouvements. Il ne dit qu’une chose: tel bracelet, se trouve à tel endroit, à tel moment. Point à la ligne.

Cette technologie est encore bien loin de produire les effets espérés par Sarkozy qui montre en la matière son ignorance et ses fantasmes.

Vouloir développer l’utilisation des bracelets électroniques pour les fous, c’est affirmer l’impératif de l’état français. L’état veut établir une carte de la folie, un mappy de la psychose dangereuse, une géographie en instantané.

L’idée est la suivante. Si le patient est présent au moment où le passage à l’acte se produit, sa localisation équivaut à la preuve de sa culpabilité. Un raisonnement qui existe déjà pour les traces ADN. Si on trouve l’ADN d’une personne sur le lieu du crime, la présomption de culpabilité s’accroit. Sarkozy franchit le pas suivant : il pense même que c’est une preuve.

Le bracelet pour les fous dangereux, c’est croire en l’unité de la preuve, de l’acte et du sujet. C’est une façon de penser que ces trois choses sont identiques et équivalentes. C’est accréditer l’idée que ce lien serait exclusif. Pas de sujet fou sans acte dangereux qui ne soit localisable ni datable.

Il faudrait lui dire, à Sarkozy, que la science fiction n’est pas la réalité !