Cette animation est fascinante 1….
Dans ce miroir, nous pourrions penser que l’amour existe….
Qu’il y aurait un « rapport sexuel » contrairement à ce que les psychanalystes prétendent….
Réfléchissons.
Nous pouvons compter quatre plans :
a – Il y a notre regard de spectateur extérieur à la scène
b- il y a l’image d’une scène dans le miroir accroché au mur. Un couple s’enlace. La dame étend sa main dans un geste d’extase (?). Le monsieur reprend cette main. Il y a un mouvement, le couple continuera sa geste. Allons-nous penser que ces deux-là connaîtront une jouissance partagée ?
c- il y a le plan du seuil d’un porte ou du mur, contre lequel s’adosse ce couple. Sur son bord, nous apercevons une première main s’agripper puis, une deuxième qui recouvre la première main. Là, ce qui compte, c’est que nous ne voyons QUE des mains…. et non pas, le reste des corps auxquels ces mains appartiennent. L’enlacement de ces mains métaphorise un autre genre d’enlacement, ces mains entourent un corps. Elles signalent le bord de la porte. Et aussi, un seuil, une coupure entre deux choses, un passage d’une dimension à une autre. C’est sur ce point que je reviens par la suite.
d- il y a un dernier plan. C’est justement celui que nous pourrions déduire, inférer ou supposer. Mais que, justement, nous ne pouvons voir. C’est cette partie des deux personnages, reflétée ensuite dans le miroir. Mais, problème, est-ce que ce reflet est fidèle ?
A de nombreuses reprises, Lacan a évoqué l’expérience du bouquet inversé dans le miroir. Par exemple dans le séminaire « Le transfert » 2. En suivant ses indications, nous pourrions poser que le regard extérieur est l’idéal du moi, I(A), la scène serait l’image virtuelle, i'(a), et les deux mains s’agrippant aux bords de la porte, l’image réelle, i(a). On dirait que ça marche.
Ce n’est pas tout.
Le dernier plan que nous ne voyons pas sur cette animation et qui se trouve projeté dans le miroir, est l’essentiel de l’enseignement de Lacan. Le bouquet dans un vase est un objet très particulier inventé par Lacan. C’est cette idée qui nous fascine dans ce gif: nous assisterions à quelque chose qui existe, un rapport amoureux, puisque nous pouvons en voir le reflet.
Mais, pour Lacan, il n’en est rien. Ce rapport est un montage, il n’existe pas. Il n’y a pas de rapport…. C’est bien pour cela que nous ne pouvons voir que des mains, enveloppantes… détachées de leurs corps….. qui s’enlacent.
Mais, comme le prouve l’expérience du vase renversé, la réunion du bouquet avec le vase n’existe pas. Voilà pourquoi il est important d’être attentif au repérage de la coupure, du bord, du seuil….
Aux « pièces détachées », dit Lacan.
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1- relayé par Vincent Valas
2- Lacan, Le transfert, le séminaire, livre VIII, Seuil, 2001, Paris, séance du 5 décembre 1962